Rires et poésies mardi 13 avril 2010

Le cancan du Coderc est une chronique hebdomadaire par Pascal Serre


C’est le 11 octobre 1878, qu’Emile Goudeau fonda le Cercle des Hydropathes
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Entre la comédie italienne et le théâtre de variétés, entre les belles lettres et les réflexions gouailleuses, copains d’un jour, amis de toujours, sous le soleil du « Coderc » nous avons repris cette phrase d'Émile Goudeau (1) : « j’ai comme une idée que les jeunes bohèmes seront de plus en plus pessimistes. » Et pourtant, nous avons décidé de rire.

Samedi 10 avril. Christian, René, Jean-Paul et pas les autres (Alain et Bernard) sont au rendez-vous. Au Bar du Coderc car l’on y profite plus longtemps du soleil. Nous abuserons de la douzaine d’huîtres sacramentaire et du muscadet car les jours de notre huître plate héritée des romains sont comptés.

«

Elles sont bien iodées et vont bien nous manquer le mois prochain » dit Christian. Les papilles sont éveillées, le parfum du large se mélange aux arômes floraux et fruités de la Loire.

Coup de folie nous refusons de boire au verre et nous offrons une bouteille. Au diable l’avarice, la vie est si belle aujourd’hui !

Relevant légèrement la tête pour profiter du soleil, Jean-Paul nous rappelle que «

si autrefois le printemps était annoncé par le retour des hirondelles aujourd’hui il est marqué par la journée mondiale de la poésie (2) et que l’on parle de printemps des poètes. »

Plus pragmatique, ayant conservé son chapeau afin d’éviter l’insolation, Christian changea radicalement de sujet : «

Savez-vous que le fondateur de la police moderne Monsieur de Le Reynie, faisait surveiller étroitement par des espions les “ caffés ” qui offraient un désordre intellectuel craint et où la subversion était attisée par le breuvage à base de cofféa ? » « Oui, interrompt René, mais nous mangeons des huîtres… et buvons du Muscadet. » Eclat de rire général. Nous le savons tous, notre complicité n’est pas toujours bien comprise et notre jeu de billes n’est pas compatible avec le Monopoly des plus grands. Mais on est heureux, on rit et on fait des vers comme Monsieur Jourdain faisait de la prose. Alors, on continue. Surtout avec les beaux jours fleurissants. Cette fois, matière est donnée aux personnalités qui font frissonner nos cœurs. Rires et larmes sont les bordures de notre enclos. Après nos cancans politiques nous voulions marquer notre sensibilité à d’autres sujets, notamment, nos personnages préférés — ce qui ne voulait pas dire que d’autres n’existent pas — qui témoignent d’un engagement personnel que l’on qualifiera pompeusement de culturel.

Xavier Mortimer, l’Ombre orchestre


Xavier Mortimer talentueux magicien. Son spectacle ? C’est un peu notre « place du Coderc » Photo © TahitiPress.pf - Christian Durocher
Je saisis le silence pour prendre la parole : « Connaissez-vous Xavier Mortimer ? » Les visages donnent la réponse. De toute évidence c’est non. « C’est le fils de notre bon libraire Henri-Pierre et il sera en spectacle à Saint-Astier, le 18 avril. » Interloqué le groupe se rapproche de la table et en saisissant une huître : « Pourquoi ne nous en a-t-il jamais parlé ? » Et de répondre : « Henri-Pierre est fier de son fils mais ne sait pas comment en parler… »

C’est en 1989, au Conservatoire de musique de Périgueux que Xavier Mortimer s’initie à la clarinette. En 2003, il décroche le premier prix international de magie au congrès d’Albano en Italie.

Son spectacle ? «

le rideau se lève, un musicien seul en scène, personnage aux allures lunaires nous joue une petite mélodie. Tout devient irréel lorsque son ombre se démultiplie pour former une fanfare d’ombres. Les instruments s’envolent, les partitions s’amusent… On cesse de réfléchir au bénéfice du rêve. Surpris ou dépassé par tout ce qui lui arrive, l’artiste nous emporte dans un état de douce stupeur. Un spectacle rempli de surprises visuelles et riche d’inventivité. Un grand moment de rire et de poésie dans une petite bulle magique ! Si Charlie Chaplin et Mary Poppins avaient eu un enfant ensemble, il aurait pu s’appeler Xavier Mortimer. » Et lorsque Xavier passe voir son papa il aime déambuler sur cette scène qu’est Le Coderc

Hervé Couasnon, le poète escaladeur


Les “ Amis du Coderc ” s’élargissent : de gauche à droite, Hervé Couasnon, Maurice Melliet, Jean Boussuges et Thierry Bacofin
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René avait retenu Hervé Couasnon pour lequel il a une certaine sympathie. Étrange personnage qui grimpait partout où il ne fallait pas (du perchoir de l’Assemblée nationale à la cathédrale Saint-Front en passant par le festival de Cannes…) Notre marxiste contestataire nous dit « Hervé en veut au Vatican car il aurait été agressé dans sa jeunesse par un curé pédophile. Il prépare un coup au Vatican… Mais je n’en dis pas plus. Mais ça va être quelque chose si il réussit. Et je lui souhaite. » Christian : « Ça fera parler de Périgueux au moins, mais ce n’est plus un gamin on pourrait cette fois ne pas lui faire de cadeau. » Et René de répondre : « Il a 53 ans mais je le soutiens et je dis bravo. Il a des copains comme Maurice Melliet, Thierry Bacofin et plein d’autres. C’est un cancre comme il nous en faut. »

Thierry Bacofin, la musique à petites gorgées

«

Tiens, tu parles de Bacofin, poursuit Jean-Paul, dans la série des personnages que j’aime, plus jeune et amateur de jazz, j’ai découvert Thierry Bacofin. Il est au club des Hydropathes ce qui nous ramène à ce cher Émile Goudeau. C’est un excellent parolier. Il chante et joue de la guitare, c’est du folk music, du blues. Il a fondé avec quatre copains — un peu notre esprit — un groupe “ Bourbon sipper ”. Le bourbon étant un whishy américain et sipper signifiant “ boire à petites gorgées ”. »

Pour Christian c’est un peu barbare et il écoute d’une oreille distraite en buvant son verre de muscadet : «

Je le connais pas, c’est pas mon époque mais si vous le connaissez il doit être sympa. » Et moi de renchérir : « C’est vrai qu’il n’a pas eu l’occasion de venir sur cette place qui manque un peu d’animation en dehors de ses marchés. »

Autour de Michel Négrier, imagiers et graphistes


Michel Negrier
Le style de Michel Négrier repose sur une intime association entre la connaissance des lieux et une interprétation joyeuse.
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René, notre aîné, nous fait part de son attachement à Denise Parouty, laquelle a créé il y a quarante ans l’association des Créateurs et artisans d’arts du Périgord : « À l’occasion de cet anniversaire, ils sont une dizaine d’imagiers et graphistes (3) à exposer à l'association (4) et au Archives Départementales (5). » René connaît bien Michel Négrier (6) : « En plus de ses images extraordinaires c’est un trompettistes hors pair, un humoriste qui sait faire valser nos émotions. Un artiste complet mais pas assez reconnu. Mais il l’a toujours voulu ainsi. Un vrai personnage qui aurait sa place parmi nous. Parlant de Michel on dit souvent : attention un Michel peut en cacher un autre… »

Maurice Albe, un univers intemporel


Maurice Albe
Maurice Albe a consacré sa vie à traduire, exprimer des facettes très personnelles de ce Périgord auquel nous sommes attachés
Photo © Marc Robert
Christian a retenu Maurice Albe (7) parce qu’il l’a connu et fréquenté. « Son épouse Mine vit toujours à Plazac. Lui a été un grand graveur, peintre, illustrateur et a consacré sa vie à traduire, exprimer des facettes très personnelles de ce Périgord auquel nous sommes attachés. Je l’ai connu quand il dirigeait l'École municipale de dessin durant quarante années. »

Christian sort de sa poche un papier qu’il déplie : « Voici ce qu’écrivait, concernant Maurice Albe, Claudine Gerbeau (8) dans la revue qu’avait créé Pascal en 1980 : « On ne peut pas dédaigner l’humain… Il faut toucher les choses, les caresser avec les yeux, en faire une synthèse dans laquelle on retrouve ce que l’on cherche… à nous d’essayer de résoudre les problèmes que la nature nous pose ». »

Que le temps passe vite. Notre bon clocher que nous découvrons de la terrasse sonne ses douze coups. Le plateau d’huîtres est encombré des coquilles vides et la bouteille n’offre plus qu’un souvenir.

Les amis sont passés, comme toujours. Ils sont venus nous saluer, échanger quelques propos sans importance si ce n’est un sourire et la complicité.

Chacune et chacun a retenu l’idée de faire quelque chose pour notre garde champêtre, Jean-Pierre Monmarson. Nous avons bien convenu de ne pas rester aux idées et paroles. Car, ici, sur Le Coderc nous devons lui donner les moyens de rester dignement en notre compagnie. Et René de nous dire à trois reprises : «

À quand une association des amis du Coderc ? »

Et oui, nous avons abandonné comme nous le souhaitions le vaudeville politique local. Nous ne sommes pas pessimistes mais restons bohèmes. Cette fois-ci, nous allons nous retrouver samedi prochain. Tant pis pour l’audimat. Nous avons décidé de continuer à rire et à aimer les poètes.

Auteur : Pascal SERRE
(1) Émile Goudeau (1849-1906). Né à Périgueux. Journaliste, poète qui, exilé à Paris, créa l’esprit de Montmartre avec cette devise : « En joie et sans deniers »
(2) Journée mondiale de la poésie le 21 mars à i’initiative de l’ONU
(3) Maurice Albe, Vincent Bappel, Elsa Bedeti, Danielle Chevalier, Alain Devise, Claude Durrens, Maurice Melliet, Jean Morellet, Michel Piana et Michel Pourtier
(4) Du 16 avril au 21 mai, 4 rue Saint Front, du mardi au samedi de 15 h 00 à 19 h 00
(5) Du 16 avril au 21 mai, 9 rue Littré du lundi au vendredi de 8 h 30 à 17 h 00 [ plus d'infos ]
(6) Né à Périgueux en 1936. Lauréat de la Fondation de l'avenir du Périgord, Michel Negrier a illustré de nombreux ouvrages sur le Périgord et a travaillé dans la publicité
(7) Né dans le Loiret en 1900 Maurice Albe suit son père nommé Directeur de l’usine à gaz de Sarlat. Il expose au Salon des indépendants de Paris dès 1925. Il s’installe définitivement à Plazac en 1945 où il décède en 1995. Il est un des illustrateurs les plus riches de son temps sur le Périgord
(8) Native de Bourgogne Claudine Gerbeau fut la plus jeune inspectrice de l'Éducation nationale à l’âge de 25 ans. Esthète d’une grande sensibilité elle a fait une grande partie de sa carrière en Dordogne avant de nous quitter en 2004
Michel Negrier
Périgueux au XVIIème siècle. L’Isle et la Tour Barbacane Dessin © Michel Négrier

Pascal SERRE
Membre :
  • Institut Montaigne (Paris)
  • Fondation Terra Nova (Paris)
  • Fondation de la France Libre (Paris)



En relation à l'éternelle poésie, deux libraires, Alban Caussé et Jacques Desse ont découvert une photo jusque-là inconnue d'Arthur Rimbaud. WSur le perron de l'hôtel de l'Univers à Aden en Abyssinie, Rimbaud est assis à droite, près de la femme (photo de groupe) © Alban Caussé et Jacques Desse
Une photo ancienne inédite a été découverte par Alban Caussé et Jacques Desse dans une brocante, celle d’Arthur Rimbaud (1854 - 1891). Pour la première fois, on voit nettement le visage du poète adulte (assis près de la femme), lors de son séjour à l’hôtel de l’Univers, à Aden, en Abyssinie (Yemen) aux alentour de 1880.
Photo © Alban Caussé et Jacques Desse - [ chez les libraires associés]

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Commentaire de Anonymous Christine , le 13 avril 2010 à 22:38  

Ce cancan est gentil mais ça manque de punch. A part le magicien dont la photo est extra. Et puis, la bohême n'est pas pessimiste sauf à Périgueux peut être

Commentaire de Anonymous Michel , le 13 avril 2010 à 22:45  

Toujours bien écrit et avec un regard transparent. Une belle littérature sans prétention sur Périgueux et quelque soit le sujet. Adieu la politique des volatiles et vive la culture des mollusques. Quel bonheur de me rappeler Jacques Pian et Michel Négrier en 1957 au café de Paris le dimanche après midi. On savait s'amuser. C'est là que j'ai connu mon épouse.

Commentaire de Anonymous Julien Martinaud , le 14 avril 2010 à 15:09  

Excellente idée d'évoquer Maurice Albe tombé un peu trop vite dans l'oubli. Un de ses anciens élèves qui continue à 75 ans à dessiner

 

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