Vae Victis mercredi 24 mars 2010

Au fil de l'Isle Chaque mercredi à partir de 9 heures retrouvez sur Périblog l’humeur de la semaine par Pascal Serre


Lors de son dernier meeting, à Périgueux, le vendredi 19 mars, Xavier Darcos confiait ses inquiétudes sur son avenir ministériel. Il déclarait : « il court des bruits nauséabonds à Paris. On veut me virer. »

Il était apparu fatigué, presque usé, absent : Il n’écoutait déjà plus les orateurs. S’était-il réfugié chez son ami Tacite (1), reprenant cette phrase si éprouvante en cette veille de défaite annoncée : « Les dieux ne se soucient pas de nous sauver, ils prennent soin de nous punir (2). » ?

Xavier Darcos à Périgueux avant le vote des élections régionales en mars 2010
Il était apparu fatigué, presque usé, absent. Il n’écoutait déjà plus les orateurs. S’était-il réfugié chez son ami Tacite, reprenant cette phrase si éprouvante en cette veille de défaite annoncée : « Les dieux ne se soucient pas de nous sauver, ils prennent soin de nous punir. » ? - © Pascal Serre
Sarkozy n’est pas un dieu mais la dualité entre sa parole et ses actes, ses clairs-obscurs, ses contre-pieds incessants, cette barbarie moderne qui fait que la fin justifie les moyens trouble-t-elle l’homme de réflexion que reste Darcos ?

Le visage est transparent, lointain : Pense-t-il à ces ultimes joutes téléphoniques avec Raymond Soubie, conseiller du président sur la réforme des retraites ? A-t-il eu raison de se heurter à cet homme puissant ? A-t-il pêché par orgueil ? Une chose est certaine sa tête est déjà sur le billot.

Il le sait, il possède un trait de caractère qui le handicape : l’excès de confiance en soi conduit à la catastrophe.

C’est ainsi qu’il a perdu « sa ville » : Les régionales ? Il n’en voulait pas mais le Président lui a dit avec son affection habituelle que s’il n’y allait pas il serait débarqué…

Ce soir, il ne se sent pas bien avec ses femmes et ses hommes réduits à jouer les marionnettes. Il le sait, aujourd’hui, « les propriétaires terriens et les militaires désintéressés, qui formaient l’élite romaine, ont cédé la place à des courtisans, à des technocrates, à des nouveaux riches (3). »

Va-t-il jusqu’à se demander où en est sa propre humanité ? Encore quelques heures à dissimuler, jouer l’hypocrite, attendre le verdict, tenir l'humilité en toute chose, en vue de dominer et de garder ce fameux pouvoir.

Brusquement le voici appelé à la tribune : L’homme se dresse en se rappelant que « si l’on a promis de garder une absolue fidélité il faut s’abstenir, envers ce dont on parle, et d’amour et de haine. » (4) Il remplira son office avec une passion éclairée, empoignant les mots, les remplissant de sa mission sacrée, enflammant les militants soumis à la geste de l’orateur, réduisant l’adversité et exaltant sa fougue, pressant les arguments de dernière minute comme des citrons amers.

L’éloquence le rassure, il recommence à croire à la victoire et oublie les « odeurs nauséabondes ». Il domine ces centaines de regards quelques instants plus tôt sans intérêt dans ses pensées intimes. Il les rend complices, manifestant, une fois de plus, la force et l’illusion du verbe. Même quand le bateau coule. Il y avait une combinaison de détermination et de raison surréaliste.

Xavier Darcos nous ramène à Edward Smith (5), qui périt avec « Le Titanic » et s’écria : « la chance m’a quitté. » Mais personne ne voulait croire que le navire allait s’enfoncer dans les eaux glacées. Il était si convainquant.

On sait ce qu’il en fut des résultats : une déroute, une Bérézina… Les caniveaux parisiens pouvaient lâcher leurs eaux poisseuses et pestilentielles.

Lundi 22 mars au soir : Xavier Darcos apprend au dernier moment qu’il est « viré ». Toute la journée on a tourné sur son cas. Le désormais ex-ministre du travail et « premier ministrable » il y a encore quelques mois, ne comprend pas son éviction. En « bon soldat », ainsi qu'il se qualifie, il accepte : « C'est Nicolas Sarkozy qui m'a fait ministre, c'est lui qui me demande de partir, tout en me disant qu'il n'a rien à me reprocher, je le fais, sans état d'âme. »

Propos de circonstances : Xavier Darcos se considère dans une pièce tragique antique. Dépouillé de ses apparats il n’en est que plus libre. D’autres portes s’ouvrent qui vont conjurer la décadence qui le flétrit provisoirement.

Demain, en attendant peut-être une autre mission : Ambassadeur, conservateur du Château de Versailles — ce qui ne lui conviendrait point —, conseiller à l’Élysée, ou une éventuelle candidature aux législatives en Gironde, le professeur agrégé de lettres classiques va se consacrer à l'ouvrage qu'il doit remettre prochainement à son éditeur : « Le dictionnaire amoureux de la Rome antique ».

Il va continuer à apprendre à exalter l’homme de raison et de culture dans un temps de ferveur et de fureur. Comme Tacite il n’a jamais été dupe des emphases de son époque ni des propagandistes successifs. Et puis, il le sait : la chance ne l’a pas quitté.
Auteur : Pascal SERRE
(1) Histoires de Tacite
(2) Histoires de Tacite
(3) Xavier Darcos
(4) Histoires de Tacite
(5) Commandant du Titanic qui coula en 1912
Près de 800 militants de l’UMP et du Nouveau Centre sont venus de toute la Dordogne pour clôturer la campagne des régionales avec Xavier Bertrand, Jean-Pierre Raffarin et Éric Besson

Pascal Serre est membre :
  • Institut Montaigne (Paris)
  • Fondation Terra Nova (Paris)
  • Fondation de la France Libre (Paris)

Libellés : , , ,

Pour commenter les billets, veuillez cliquer sur le bouton rouge ci-dessous à droite ↓
Les commentaires, analyses et autres opinions qui paraissent dans Périblog, n'engagent que leur auteur.







Commentaire de Anonymous Marie-Sylvie , le 24 mars 2010 à 10:07  

Darcos victime ? Beaucoup l'ont été de son fait. Chacun son tour. Je ne le plains pas. Périgueux ne perd pas grand chose aujourd'hui. Ceci dit le texte inspire à la méditation.

Commentaire de Anonymous Christian , le 24 mars 2010 à 10:54  

Belle prose qui fait passer la pilule. Darcos les périgordins le connaissent depuis longtemps et certains silences restent lourds de conséquences. On peut dire que c'est injuste mais ce serait trop facile. Il a brulé ses ailes à Périgueux oubliant Montaigne au profit de son mentor Sarkozy.
Naïf Monsieur Darcos ? Non, ambitieux comme un Rastignac. Il n'y a pas pire que l'ambition pour perdre les pédales. Pascal Serre nous brosse un portrait intimiste auquel on voudrait croire.
Bravo à Périblog dont j'ai récemment entendu parlé. C'est bien léché, bien vu et plein de sensibilité. Par les temps qui courent c'est courageux et une offre qui rassure les abstentionnistes dont je fais parti

Commentaire de Anonymous Laurent , le 24 mars 2010 à 15:00  

Bravo pour le texte mais vous oubliez de parler de dire que la gauche vient de battre franchement Darcos sur ces anciennes terres. Cette fois-ci c'est sans appel. Même Sarkozy le sanctionne pour son insuffisance de résultats.

Commentaire de Blogger BenCo , le 24 mars 2010 à 15:00  

Je découvre ce blog, aux hasards des clics ... pas si hasardeux, puisque périgourdin ... et Blogueur ... votant non-abstentionniste ...

Malgré la plume, je n'arrive pas à pleurer sur le sort déchu de notre Xavier qui n'était plus local depuis un bout de temps ... peut-être qu'en m'arrachant certains poils mal placés, une larme pourrait être tirée: le nerf optique ayant la comique réputation d'être le plus long ;o)
Mais, par pitié, qu'ils lui trouvent une occupation ... parce que le Salon du Livre Gastronomique mérite plus de sincérité et de passion ...

Signé: BenCo, Blogueur Culinaire Périgordin, amoureux des saisons et de son terroir
http://paladar-lepet.blogspot.com

Commentaire de Anonymous Bernard , le 24 mars 2010 à 22:09  

Périblog fait la part belle au nouveau conservateur de Versailles. Quel camouflet cinglant pour celui qui affichait du mépris pour les "bistrots".
Au moins il pourra fréquenter la buvette du château. Pas au nom du Roi mais au service de sa Majesté Nicolas 1er Roi des Français comme les aiment Georges Frêche ( 95% sont des cons).

Commentaire de Anonymous Alain , le 24 mars 2010 à 22:17  

De Périgueux à Versailles c'est le chemin des courtisans, féodaux et châtelains, aux temps anciens sous Louis XIV.
Pour Nicolas 1er, Darcos se voit doter du titre prestigieux de garde suisse.
Qu'il soit heureux il aurait pu être nommé gardien de phare. Dommage il n'en existe plus

Commentaire de Anonymous Christine , le 25 mars 2010 à 01:05  

Malheur au vaincu ! Victime expiatoire du Sarkpzysme, Darcos va-t-il se retourner vers de Villepin et Juppé pour sortir des chemins de rondes de Versailles.
Laure, sa femme ne veut pas jouer Marie-Antoinette.
Il faut qu'il retrouve une place digne de ses capacités. Quelque part, sans avoir voté pour lui on pensait Sarkozy plus honnête. C'est franchement pas le cas.
Pour Darcos la seule sortie qui reste c'est de manoeuvrer sur le nouveau mouvement de Villepin. Ce sera pas facile car ils ne s'aiment pas trop mais on en a vu d'autres. Peyrat pourrait y perdre des plumes car il ne fut bien vaillants dans cette campagne et les grognards de la Chiraquie Gaulliste, vieux Chabaniste aussi préparent la relève en Dordogne comme en France. Bientôt l'appel du 18 juin.

 

Découvrez (ou redécouvrez) Périgueux capitale administrative de la Dordogne à travers les archives de Périblog