La guerre des terrasses lundi 26 avril 2010

Le cancan du Coderc est une chronique hebdomadaire par Pascal Serre


Voyageurs à la prunelle discrète, la terrasse d’un café est, pour nous, un observatoire et une agora propices aux joutes verbales méridionales. Nous n’en connaissions ni les maquignonnages, ni les invectives maladroites qui heurtent nos sensibilités. Notre sujet était tout trouvé : l’échange de courrier entre Michel Moyrand et la propriétaire de l'enseigne Flo d’Avril.

Chez Marie Deleporte. Terrasse de la Fée Maison, place du Coderc
La terrasse de la Fée Maison (Marie Deleporte) sur la place du Coderc Photo © Pascal Serre
Quand j’ai fait mon tour des popotes, comme chaque vendredi en fin de journée les cinq compères étaient unanimement remontés comme des pendules : « Qu’est-ce que c’est que cette histoire entre Michel Moyrand et Florence Durand ? » Gardant toutes les saveurs du muscadet pour le lendemain je concluais : « On en parle demain, au Coderc, à 10 heures. » Je ne croyais pas si bien dire.

Samedi 24 avril. Avec nos facéties, nos satires qui se refusent à médire mais chagrinent les esprits enclins aux despotismes nous ne prétendons point connaître la critique qui blesse mais, seulement, en ce siècle fertile en sots admirateurs ou contestataires aux ambitions voilées nous sommes prompts au festin joyeux des terrasses de cafés de notre place du Coderc. La table et les chaises sacrées devenant un mystérieux moment où l’on commence à vivre notre univers, en chantant nos ignorances de l’obscur sillon d’où nous souhaiterions extraire nos amis à la crinière fumante.
Le soleil est au zénith et nous rapprochons le parasol afin qu'il ne réchauffe pas trop vite la bouteille de muscadet qui vient d’être posée dans un seau à glace frappée de toutes nos convoitises.

Florence et Michel sur la place publique

Nous sommes au complet. Six hommes qui se laissent bichonner la face par quelques rayons buissonniers et regardent défiler visages inconnus et connus de leur ville. De grandes salutations, des poignets de mains, des propos sans destin mais, déjà le sentiment d’être occupé par quelques choses d'importance.Florence Durand et lettre de Michel Moyrand maire de Périgueux
Florence Durand devant son salon de thé (crêpes et glaces) au 5 place de la Clautre où, pour quelques jours seulement, sera placardée la lettre du mairePhoto © PS
Tout d’abord, la première « santé » immédiatement enchaînée par un brouhaha de paroles qui s’entrechoquent. Ensuite, la mise en ordre des passions car le sujet est grave : l’échange de lettres entre l’honorable maire de Périgueux et une sympathique commerçante d’une place autre que la notre, celle de la Clautre et dénommée Florence Durand. Le sujet : la hausse de la redevance du droit de terrasse imposée aux cafetiers et restaurateurs. Celle-ci présente une hausse de + 66% ! Oui, vous avez bien lu… + 66%.

Des menaces de poursuites judiciaires ?

Christian, en venant de Saint-Georges est passé prendre un café chez Florence Durand ou plutôt Flo d’Avril et il embraye : « Bien il faut savoir que je connais la maison car ma défunte femme y allait régulièrement. Elle a ouvert il y a quatorze ans et ce n’est pas son genre de faire du tapage. Elle a remis en main propre à Michel Moyrand une lettre où elle dénonçait cette hausse. C’est vrai qu’elle a mis en marge que le maire n’était plus autorisé à venir chez elle… Et elle a affiché la lettre. Sur ce, le maire lui a adressé une lettre recommandée rappelant que c’était une discrimination contraire à la loi et passible de poursuites judiciaires. »

Une lettre remise en main propre

René était au courant par la presse et quelques indiscrétions : « Savez-vous que c’est Moyrand qui a informé la presse de cet échange de courrier ? » Bernard qui a travaillé à la municipalité sous Guéna rétorque : « j’ai entendu parler de ça. Mais il a pété un cable Moyrand ? C’est quoi tout ça ? Jamais on aurait vu ça sous Guéna et même sous Darcos. Oh ils ne se seraient pas déplacés mais ils auraient envoyé un adjoint pour que tout ceci prenne une tournure plus décente. »

Alain, l’ancien commerçant de la rue Taillefer est aussi au courant et s’empresse de dire : « Et Moyrand a demandé que sa lettre soit affichée dans le magasin de Florence Durand. Sur le plan juridique on peut pas lui donner tort mais c’est pas une attitude très constructive. Bonjour pour l’ouverture d’esprit et le dialogue ! » Jean-Paul rapporte que dans son quartier de Saint-Martin tout ceci ne sent pas très bon : « Ma femme est allée chez cette commerçante et elle m’a dit qu’elle n’était pas du genre à polémiquer. Elle s’est exprimée et, je confirme qu'elle a remis la lettre en main propre au maire. »

Les médias locaux et nationaux au rendez-vous

Christian revient à la charge : « quelle que soit l’augmentation il n’y aurait eu aucune lettre d’information et le placier serait passé pour récolter l’impôt tout en informant les cafetiers et restaurateurs de l’augmentation. C’est une méthode un peu cavalière. Florence Durand fête aujourd’hui même son 49ème anniversaire et les 14 ans de sa boutique. Elle a même affiché la lettre de Moyrand avant de l’avoir reçue officiellement. Les deux lettres sont affichées et Florence Durand se trouve assaillie par les médias locaux et même nationaux car cette histoire est pour le moins grotesque. D’ailleurs, elle m’a dit que monsieur Moyrand pouvait venir quand il le souhaitait mais c’est vrai que le maire elle l’a un peu en travers. »

René reprend : « Quel que soit le montant de l’augmentation et la lettre de cette dame, le maire a perdu les pédales et son attitude est inacceptable de mon point de vue. Je ne le comprends pas. »

Alain et Bernard se disent outrés par ces procédés et craignent pour l’avenir : « Mais où on va ? Évidemment que 66 % de hausse sur une taxe c’est difficile à digérer. Certes, la colère de Florence Durand l’a emporté sur le langage ampoulé et biaisé des politiques. Mais peut-on encore faire une critique sans tomber sur la vindicte et une fatwa quelconque des politiques ? Ne se disent-ils pas ouverts au dialogue et plein de vertus qu’ils semblent de moins en moins appliquer ? Il y a de quoi se poser des questions. »

Le flacon de muscadet est vide

La discussion est vive entre nous six. Tout le monde s’accordant sur l’absence de maîtrise du maire et la disproportion de la réplique à une lettre qui traduit plus un désarroi et un raz-le-bol qu’une position partisane contre la municipalité. Avec un peu d’humour et de dialogue tout ceci aurait été une tempête dans un verre d’eau.

Le flacon de muscadet est vide. Le voyage peut désormais débuter. Pour nous, la guerre des terrasses s’arrêtera là avec une déception pour ces histoires clochemerlesques qui font aussi notre régal. Mais quel dommage ! Nous regardons notre terrasse – celle du Coderc – et constatons que notre muscadet n’a pas encore été augmenté de + 66%. Ouf car on a eu peur !
Auteur : Pascal SERRE
Lettre de Michel Moyrand adressée à Florence Durand
Le placard de Michel Moyrand, maire de PérigueuxPhoto © PS

Lettre de Florence Durand adressée à Michel Moyrand
La réponse de la propriétaire du Flo d'Avril adressée à M. MoyrandPhoto © PS


Pascal SERRE
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Commentaire de Anonymous Anonyme , le 27 avril 2010 à 02:47  

J'apprends avec stupéfaction l'augmentation de la taxe sur les terrasses, pas tant l'augmentation, le contraire serait étonnant, mais sa hauteur de 66%. Les chiffres de la lettre du maire indiquent une augmentation de 32€ sur la précédente de 144€ annuelle. Toutefois si l'on fait 32/144 on arrive à 22,22%, soit environ 44% qui manquent. Où sont-ils passés ?
D'autre part, j'aurais bien aimé que l'on reproduise le placard de Florence afin que l'on puisse se faire une idée exacte des choses (même si ce faisant le site était susceptible de subir les foudres légales au motif de la discrimination qui y serait prônée à l'encontre du maire, pensez-vous, plus de chocolatine ni de croissant pour combler le creux de 11h00)

Commentaire de Blogger Périblog - William Lesourd , le 27 avril 2010 à 07:34  

Merci pour le com Missito.

Je viens de poster la réponse de Florence Durand à la lettre de Michel Moyrand. Je ne poste pas le placard qui fut à l'origine de cet échange, non pas parce que j'ai peur de la foudre (quoi qu'un claquement soudain du tonnerre me fait sursauter comme tout un chacun) mais parce que je ne l'ai pas en ma possession. Si les partis intéressés veulent bien me le transmettre je considèrerai sa publication après concertation avec l'auteur du billet bien entendu. W

Commentaire de Anonymous Hélène ROBERT , le 27 avril 2010 à 11:07  

Plutôt que de faire des comparaisons avec d'autres villes il aurait peut-être mieux valu tenir compte de la situation difficile des commerces de Périgueux qui ferment les uns après les autres.
Mais c'est oublier que les artisans et commerçants sont les vaches à lait de la France...

Commentaire de Anonymous Anonyme , le 27 avril 2010 à 11:41  

Les terrasses ouvertes sur la voie publique et sur la circulation c'est se moquer du client....Jean-claude Bonnal

Commentaire de Anonymous Anonyme , le 27 avril 2010 à 15:01  

Monsieur Moyrand dévoile son déni des relations humaines. C'est la qu'est le vrai scandale. On préfère se taire et attendre les prochaines élections

Commentaire de Anonymous Anonyme , le 27 avril 2010 à 18:29  

les relations publiques ne sont peut être le fort du maire mais faire passer les commerçants du centre ville (et j'insiste de l'hyper centre même) pour des martyrs, il faudrait pas exagérer. Le ouin ouin du diable pour coeur piéton est un exemple de la mauvaise foi politicienne qui les anime. Il me semble qu'une autre commerçante accuse son propiétaire de la ruiner et je peux citer aussi les loyers de la rue éguillerie qui ont fait fermer par exemple le commerce qui précédait "compléments femmes". Mais c'est tellement plus simple de dénoncer ce vilain moyrand (même s'il n'est pas toujours aussi aimable qu'il le devrait peut être...)
Dalloways

Commentaire de Anonymous Anonyme , le 27 avril 2010 à 18:32  

Bravo monsieur le maire on va aller loin

Commentaire de Blogger seotons , le 27 avril 2010 à 19:17  

La délibération du 07 juillet 2009 ne figure pas dans les archives des conseils municipaux du site de la mairie: http://www.ville-perigueux.fr/pagesEditos.asp?IDPAGE=117&cnf=|A1EE26C7

Le refus de vente n'a pas eu lieu, il est présumé. La discrimination devrait porter sur "l'opinion politique" ce qui n'est pas le cas non plus.

Quant à l'injonction (fantoche)de publicité du courrier municipal, elle est géniale. Ce courrier est si minable qu'au contraire toute personne censée le cacherait plus que tout.

Commentaire de Anonymous Saturne , le 28 avril 2010 à 01:11  

Sujet du dernier CANCAN : la hausse de la redevance du droit de terrasse imposée aux cafetiers et restaurateurs. Celle-ci présente une hausse de + 66% ! Oui, vous avez bien lu… + 66% !

C’est ce qu’affirme avec beaucoup d’insistance le journaliste Pascal Serre( Carte de presse N° 43 828).
Oui, j’ai lu et bien relu la lettre du Maire de Périgueux ; je constate que la redevance due pour occupation du DOMAINE PUBLIC serait passée de 18€ à 22€ par mètre carré et par an !
Outre le fait que cette «location» reste anormalement basse compte tenu des privilèges ainsi accordés à certains professionnels , je ne retrouve pas l’augmentation de 66% qui fait hurler ces pauvres malheureux commerçants du Centre Ville.
Où est l’erreur ? Monsieur Serre peut-il m’aider à comprendre ?
Va-t-on nous expliquer – puisque les journalistes sont soumis à une charte rigoureusement respectée qui les oblige à ne jamais écrire que la Vérité (revoir « Le Fil de l’Isle » et ses commentaires du 31 mars dernier) – va-t-on nous expliquer que les chiffres sont trompeurs et qu’il s’agit, bien sûr, d’une ultime rouerie municipale ?
Va-t-on, pour enfoncer le clou, nous infliger encore quelques obscures arguties d’un rapace nocturne ?

Commentaire de Anonymous Nino , le 29 avril 2010 à 00:57  

Qui manipule qui ?
On aimerait avoir une réponse à la question de MISSITO et de SATURNE : la hausse de la redevance pour occupation du Domaine Public imposée aux cafetiers et restaurateurs du centre ville de Périgueux est-elle de + 66% comme l’affirme Pascal Serre, ou seulement de + 22% et des poussières (de 18 à 22 € par m2/an) ?
Dans le second cas, ce "cancan" qui se voulait provocateur tombe à plat, non ?

Commentaire de Anonymous Pascal Serre , le 30 avril 2010 à 05:33  

Sur le taux de hausse de 66% Monsieur Saturne (et d'autres) a soulevé un problème de fond tout à fait justifié. On passera sur la forme qui se veut un zeste provocatrice faute d'être élégante.

Le chiffre de + 66% a été repris par un de nos compères de table au "Coderc" lequel, en bon lecteur, ne remet jamais en cause son journal préféré. Après enquête, il m'a indiqué avoir trouvé ce chiffre dans un article d'Angélique Mangon paru dans la Dordogne Libre du 23 avril sous le titre "La hausse du droit de terrasse a du mal à passer."

Ainsi, on pouvait lire : "Comme Florence Durand, d'autres commerçants, soutenus par l'opposition municipale (DL d'hier), s'élèvent contre cette hausse. « Cela représente une hausse de 66 % par rapport aux tarifs précédents », commente Thierry Châtaignier, le gérant du café le Puy-Saint-Front."

L'esprit du "cancan du Coderc" n'est pas celui de l'investigation mais de donner le reflet d'une bande de lurons qui connaissent bien leur Périgueux et leur façon d'en commenter l'actualité.

Le fameux 43 828 est là pour les réunir, animer, guider et reconstruire de façon littérale sans les trahir leurs propos qu'ils acceptent d'entendre jugés de "comptoir". Avec humilité avant tout et... Élégance si possible.

Merci Messieurs Missito, Saturne, Nino pour avoir permis cette précision.

Pascal SERRE

Commentaire de Anonymous Anonyme , le 30 avril 2010 à 07:35  

Merci Pascal pour votre réponse honnête.

Commentaire de Anonymous Nino , le 30 avril 2010 à 11:38  

"Propos de comptoir", certes, mais le fait qu’ils soient écrits, publiés et largement lus leur confère le caractère d’informations. Ce flou est d’autant plus pernicieux qu’il est souvent très artistique et fort bien entretenu par le talent du chroniqueur. Dès lors que des personnes sont précisément mises en cause, les propos de comptoir ne sont pas tout à fait anodins..., comme de la calomnie,il en restera toujours quelque chose.
Quant à la réponse apportée par Pascal Serre, élégante et courtoise, elle ne dissipe pas complètement le doute. Elle pourrait même le justifier et l’entretenir, sans vraiment exprimer excuses ou regrets.

N'avoue jamais...

Commentaire de Blogger Unknown , le 12 mai 2010 à 16:41  

Bonjour,

Et bien moi, je suis fou de joie que le Maire ait osé s'attaquer à un fléau à Périgueux : les terasses....

En effet, quiconque n'a pas essayé de se promener en centre-ville avec une poussette ne pourra pas comprendre ma joie. y'en a marre de ces cafetiers qui étendent leur terrasse sur tout le trottoir et vous oblige à la contourner en marchant sur la route avec les voitures qui vous frôlent. Y'en a marre de ces terrasses qui vous empêchent de vous promener tranquillement sans être bousculé ou gêné par les serveurs qui cours entre les tables. Y'en a marre des bobos qui passent leur temps aux terrasses et qui sont sans doute pour quelque chose dans le fait que les café bus place du coderc ou place St Silain seront bientôt aussi chers que ceux que l'on peut boire sur les Champs Elysées. Alors bravo Monsieur le Maire !!!J'espère que cette augmentation va enfin libérer une partie des trottoirs et que cela permettra à la collectivité de récupérer un peu de la baisse de la TVA que peu de cafetiers ont réellement appliqué à Périgueux.

 

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