La fable du garde champêtre et du blog mardi 20 avril 2010

Le cancan du Coderc est une chronique hebdomadaire par Pascal Serre


Au moment où le journal des Périgourdins « La DL » s’ouvre au monde du blog et perturbe les anciens qui voient leur journal papier disparaître, sur le Coderc on veut garder le garde champêtre Jean-Pierre Monmarson.

Nous sommes le samedi 17 avril. Il est onze heures et demie. Une entorse inhabituelle de se retrouver si tard. Mais c’était prévu ainsi. Chacun voulant profiter de cette matinée pour faire le nettoyage de son jardin.

Et puis nous souhaitions nous retrouver au complet. Six. Le soleil nous invite à choisir une belle terrasse où ses rayons nous accompagnerons le plus longtemps possible dans nos petites histoires de la semaine. Derechef, Christian montre le Café du Coderc et lorgne une table avec… quatre chaises. Il faudra se mettre en embuscade pour se saisir de deux autres sièges car il y a du monde, beaucoup de monde. Enfin, le lieu est tellement agréable que les clients y font bronzette. Le Coderc prend des allures de Croisette mais en plus authentique.

Étonnamment, nous regardons l’étal d’huîtres, mais l’heure ne nous y accorde pas. Un kir ? « Non, tranche notre ancien plombier Jean-Paul, ce sera une bière. Une Affligem issue d’une abbaye fondée en 1086 en Belgique. »

Cette étrangeté laisse perplexe notre petit groupe lequel, finalement, misant sa forte personnalité sur d’autres sujets suit ce choix. « Ce seront donc six Affligem avec des… cacahouètes s’il vous plait ! » annonce avec fierté et détermination Jean-Paul.

Pour nous, le sujet du jour est sérieux. Je l’ai annoncé au téléphone hier soir : que faire pour notre garde champêtre ? Il déprime un peu et a envie d’arrêter car il ne se sent pas soutenu. Enfin, Christian et Alain voulaient en savoir plus sur leur journal La Dordogne Libre qui se mettait sur internet : allaient-ils pouvoir encore l’acheter chez leur marchand ?

Jean-Pierre Monmarson, une figure du Coderc à soutenir

Avec son képi, son habit bleu foncé, sa place officielle, son tambour et ses deux baguettes, Jean-pierre Monmarson est une figure de Périgueux. Depuis quinze ans il parcourt la ville et s’est taillé une côte de sympathie sans faille qui fait dire à Bernard « nous devons faire quelque chose pour qu’il continue car il s’essouffle et personne ne l’aide. » Alain, en bon commerçant renchérit : « oui, en gros il faudrait le payer ? ». Et Christian tout surpris de reprendre : « parce qu’il fait ça gratuitement ?... La mairie pourrait lui verser un petit quelque chose, les commerçants aussi. »

René, venu de son lointain Toulon : « faut pas rêver, tout le monde trouve très bien ce qu’il fait tant qu’il ne demande rien. L’associatif j’ai connu et donné… Mais, peut être en se regroupant à plusieurs. Il faut penser à tous ceux qui aiment cette place, son ambiance et quand on est en association on a plus de poids. Faut pas penser que garde champêtre… Il en bénéficiera. Le Coderc va au delà de ses limites géographiques. »

Sur ce toute l’équipe est tombée d’accord. Mais qui fera le premier pas ?

Bernard rappelle que « la place possède d’autres personnalités telles Jeannot Boussuges qui devrait revenir bientôt avec son ami Maurice Melliet. Quand le marché est parti ce sont les voitures qui envahissent ce territoire historique… »

Je leur indique que William doit sensibiliser au travers de son blog à un soutien pour Jean-Pierre Monmarson car il y a eu des témoignages sur le Periblog.

Le blog va-t-il supprimer le journal ?

Le terme « blog » a fait sursauter en premier Christian mais tout le groupe s’est resserré car La Dordogne Libre s’est mise à l’heure d’internet. Et celui-ci de dire : « notre journal sur papier va-t-il disparaître ? » Tout le monde attend ma réponse. René ne me laisse pas répondre : « J’ai connu la Dordogne Libre en vente le soir, sur 4 pages. On l’attendait. Et puis elle est devenue ce qu’elle est aujourd’hui. » René, l’ancien cheminot qui se rappelle qu’au train vers Bordeaux pour Sud-Ouest et Limoges pour Centre presse, Le Populaire du centre et L'Écho du centre un journaliste remettait au conducteur de train une grosse enveloppe contenant les textes et photos à insérer dans l’édition du lendemain. « C’était le hors-sac. A l’arrivée un employé de chaque journal recevait directement le hors-sac du conducteur de train. C’était une autre époque et nous y étions jusque dans le milieu des années soixante-dix. »

Christian confirme qu’à la préfecture on savait que les informations passeraient souvent deux ou trois jours après leur remise. Mais il reconnaît avoir eu un faible pour La Dordogne Libre qui était vraiment un lien fort entre Périgourdins. Il y avait Monsieur Écho… « C’est vrai que ça n’avait rien à voir avec ce que l’on a aujourd’hui. On en a presque trop… »

Jean-paul et Bernard se souviennent : « Nous avions signé une pétition pour que la Dordogne Libre soit diffusée le soir car ce fut imposé par les PTT de l’époque, en 1982 je pense… Si il faut refaire pareil on fera. »

Je rassure mes cinq amis. Leur Dordogne Libre conservera sa version papier. Les blogs c’est tout un monde déjà existant qui permet à des lecteurs de s’exprimer ou de s’informer pour schématiser via leur ordinateur. C’est autre chose, un complément.

Bernard, qui en a vu d’autres insiste : « Tu es sûr de ce que tu dis ? Parce que moi on m’a dit que dans quelques années tous les journaux seront sur internet. » Je réponds : « Oui, mais le journal papier existera toujours. »

« Vous sentez-vous concernés ? » leur dis-je. Réponse unanime : « Nous, tant qu’on peut acheter notre Dordogne Libre chez notre marchand habituel le reste c’est pas notre souci. C’est un truc pour les jeunes. »

Et oui, sur la place du Coderc on vit au rythme des saisons et les grandes invasions technologiques ne changent pas celui du balancier des horloges. On veut un journal sur papier comme il y a un siècle et un garde champêtre comme il y a aussi un siècle. Mais à y réfléchir, l’un peut très bien s’accorder avec l’autre.

Il est près de midi et demi. Ces dames vont s’agiter. Chacun se lève, on racle les fonds de poches pour régler notre addition, saluons la patronne. Alain, notre ancien commerçant de la rue Taillefer voit notre ami le rôtisseur : « Pour le garde-champêtre voilà la clef de la porte d’entrée. ». À la semaine prochaine.
Auteur : Pascal SERRE
Membre :
  • Institut Montaigne (Paris)
  • Fondation Terra Nova (Paris)
  • Fondation de la France Libre (Paris)

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Commentaire de Blogger seotons , le 20 avril 2010 à 12:30  

Je trouve ce billet très intéressant. Il exprime une certaine inquiétude pour l’existence de la presse papier à travers le lancement du blog de Dordogne Libre (son site existe depuis 1999).

Le blog : un truc pour les jeunes découlant d’une « invasion technologique ». Ca peut se comprendre sous l’angle d’une fracture générationnelle. Les structures pour aider les personnes âgées à utiliser cet outil se multiplient.

Mais ce qui est frappant, c’est d’exprimer tout cela sur un blog justement. Et de voir que ce contenu existe exclusivement sur internet, hors de toute impression papier (hormis via une imprimante). L’inquiétude sur la presse papier est ici relayée par « la chose » qui pourrait la mettre en péril. Et celui qui témoigne de cette inquiétude ne peut prendre connaissance de son sentiment que sur internet, pas dans son journal.

Des millions de personnes peuvent maintenant lire ce témoignage en toute liberté et toute gratuité. Ce témoignage n’aurait visiblement pas été l’objet d’un article papier. C’est donc une nouvelle forme d’expression libérée des choix d’une rédaction. Il permet même d’engager des discussions et des échanges. On a vu des invasions plus dévastatrices.

Pour la précision, si Dordogne Libre peut aujourd’hui faire un site, un blog, communiquer sur les réseaux sociaux, c’est d’abord parce que son journal papier se vend. Son activité sur internet ne lui rapporte pas de quoi vivre. Donc pas d’inquiétude. Ils anticipent une mutation dont nul ne sait aujourd’hui où elle nous conduira vraiment. Et d’ici là, ceux qui pensent encore qu’internet est une mode pour les jeunes reposeront depuis longtemps en paix. La nature est bien faite parfois.

Commentaire de Anonymous Pierre-Yves Marchand , le 20 avril 2010 à 14:41  

Oui il faut sauver le Garde champêtre Monmarson ! On le connaît tous et il fait partie du paysage de Périgueux. L'idée d'une association élargie ou d'utiliser le CLAP serait un moyen. Mais la bande du coderc a raison : les idées c'est bien les mettre en pratique c'est autre chose

Commentaire de Anonymous Christiane , le 20 avril 2010 à 16:30  

Je ne sais pas de quoi vit le garde champêtre mais ce qu'il fait est sympa. Quoi faire ? Quand une mairie veut elle peut ? Elle peut pas l'embaucher mais peut aider une association qui le soutiendrait. Pour être crédible il ne faut pas que ça repose uniquement sur son cas mais est-ce que le Coderc ne peut pas se réunir ? En tout cas merci au "Cancan" de mettre les projecteurs sur lui

Commentaire de Anonymous Maurice Melliet - Persona Grata , le 20 avril 2010 à 16:43  

En ce qui concerne le garde champêtre, Notre ami Jean-Pierre je suis d'accord pour qu'il puisse percevoir quelques rétributions des gens qui profitent de sa présence sur le marché = les commerçants, la ville de Périgueux, et aussi les clients du marché qui eux aussi profitent de son animation sympa. d'autant plus que même si nous sommes à l'heure d'Internet, sa présence ne fait pas démodée, bien au contraire, il y a le côté chaleureux que n'a pas un blog ou un site internet ; et les deux ne sont pas incompatibles. Même si je n'ai pas le temps d'aller au marché malgré le côté convivial de ce lieu de commerce, je suis prêt à participer pour l'aider.

Jean Boussuges commence à se remettre, il se pourrait que je vous l'amène un de ces samedis pour renouer avec les bonnes habitudes et qu'il puisse saluer ses nombreux amis.

Pour la Dordogne Libre, aujourd'hui, un média ne peut ignorer ce nouveau moyen de communiquer qu'est Internet. J'avais déjà avec Dordogne Nature et mon agence Persona Grata inauguré mon site en 1997, donc depuis 13 ans... On pourrait penser que ce titre est très en retard avec les moyens dont il dispose par rapport à une petite entreprise comme la mienne... Mais le principal étant de participer !

Par contre, j'ai lu la controverse concernant le droit d'auteur des photos entre la DL et William et là je suis intransigeant, quand on utilise les documents des autres sans en mettre la source et en acquitter le prix de droit de reproduction. D'ailleurs je suis étonné qu'un quotidien du groupe Sud-Ouest se permette d'ignorer sciemment ces lois...
Maurice Melliet

Commentaire de Anonymous Anonyme , le 20 avril 2010 à 16:43  

Internet n'est pas qu'une mode c'est un moyen nouveau et durable de communiquer. La télé devait faire disparaître le cinéma et ce ne fut pas le cas. Ce dernier a du s'adapter après une phase de crise.
La DL que l'on disait agonisante en 1983 vit une renaissance éclatante qui est méritée après des années d'errements, d'incertitudes. La volonté de l'équipe a été forte. Avec cette entrée dans le monde du blog la dordogne n'est pas si plouc que çà. Bravo aux gens de la DL et j'ai pas peur pour mon journal papier. Question de génération comme dit "La Chouette". Merci à son analyse

Commentaire de Anonymous Bonnal , le 20 avril 2010 à 17:28  

Si le modernisme quelquefois détruit notre avoir et notre savoir, le blog est un outil de travail unique ou tout le monde peut donner un peu de son savoir....J.C Bonnal

Commentaire de Anonymous Anonyme , le 21 avril 2010 à 00:04  

Trouvez-vous normal que des jeunes passent dix heures sur un écran ordinateur ? Pour aller sur internet et voir n"importe quoi.
Je veux pas paraître vieux machin mais le journal dans sa version papier ca a plus d'allure.
Avec les blogs tout le monde dit n'importe quoi et on ne sait plus quoi penser.
Moi je coupe tout ça et je lis comme ma grand-mère

Commentaire de Blogger Périblog - William Lesourd , le 21 avril 2010 à 21:03  

Si je comprends bien, cher Anonyme (21 avril 0h04), vous ne lisez pas Périblog et avez trouvé cet article sur un journal papier (La DL peut-être qui l'aurait fait passer pour le sien...) avant que quelqu'un poste ce commentaire à votre place ;-)

Blague à part, vous avez (en ce moment) raison. Les choses évolueront inévitablement, mais moi-même j'aime encore intensément palper le papier qui flotte sous la brise en sirotant un bon café au soleil de notre bonne ville.

Mais qu'adviendra-t-il lorsque la troisième ou quatrième génération de l'iPad d'Apple aura rendu la lecture numérique plus agréable ?

W

 

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