Sur la piste de grand-père Cro-Magnon vendredi 12 octobre 2012
Au fil de l'Isle Chaque semaine retrouvez sur Périblog les chroniques ou d'autres textes rédigés par Alain Bernard
Le projet d'ouverture en 2013 aux Eyzies d'un « musée de site » sur le lieu de découverte en 1867 de l'Homme de Cro-Magnon (4 à 5 squelettes difficiles à reconstituer) a suscité, fin de la semaine écoulée, un vrai jeu de piste pour quelques-uns de ses initiateurs, conduits par le propriétaire du site éponyme, Jean-Max Touron.
Au menu : incursion dans les réserves du Muséum national d'Histoire naturelle (MNHM) à Paris avec découverte émue des crânes des ancêtres parmi les 16 000 conservés là ; pèlerinage à la Galerie de paléontologie auprès d'animaux d'il y a 30 000 ans ; visite à Châtelperron, près de Moulins dans l'Allier, au site lui aussi du même nom à la charnière entre Néandertal et Cro-Magnon.

C'est évidemment la visite au trésor du 45 rue Buffon à Paris, aux collections d'anthropologie, qui a constitué le clou de l'équipée, avec comme mentor Alain Froment, responsable scientifique de cet ensemble intéressant aussi le Musée de l'Homme en rénovation. Celui-ci doit ouvrir à Chaillot à partir de 2015, après qu'a été largement consommé le divorce des collections préhistoriques et ethnographiques, ré-installées au Musée du quai Branly.
Fixer dans le creux des orbites le crâne du Vieillard, le plus célèbre des Cro-Magnon — on en aurait trouvé jusqu'à 14 spécimens, chiffre sans doute exagéré, mais il y eut destructions et vols —, inspire un réel vertige d'outre-temps. Vous voilà face au grand-père, celui qui a succédé à Néandertal, dont on connaît seulement en Allemagne une calotte crânienne, pour donner son nom à l'Homme moderne, le sapiens sapiens (et non pas « ça pionce ça pionce ! ») que nous incarnons.


16 000 crânes

Un collègue chevronné de M. Froment, Philippe Mennecier, sort une à une les boîtes capitonnées de sa confection, dont le contenu nous fascine : celle du crâne d'un deuxième individu ou celle des fragments osseux d'un nouveau-né, on croit rêver. Comment pourra-t-on rendre compte de cette émotion aux racines mêmes de l'humain, dans le futur « musée de site » (dénomination provisoire) de Cro-Magnon ?

Entre reproductions réalistes et hologrammes interactifs, le débat est ouvert…
Au milieu des boîtes conservées dans des armoires blindées et portant d'autres étiquettes d'ossements prestigieux, parmi la soixantaine d'individus fossiles trouvés en France (La Madeleine, Pech de l'Azé, La Quina, La Chapelle-aux-Saints, etc.),
MM. Froment et Mennecier confirment leur rôle de « gardiens du temple » pour un patrimoine scientifique très particulier : 16 000 crânes certes, mais aussi squelettes anciens complets, momies du monde entier et restes humains liés au gigantisme, au nanisme ou à des « accidents de la vie » comme la décapitation. Avec, au passage, le traitement de demandes identitaires de restitution formulées au nom de la dignité humaine : crânes maoris de Nouvelle-Zélande, Vénus hottentote d'Afrique du sud, insurgés algériens du XIXe siècle…
Le bonjour du lion des cavernes
Les visiteurs n'ont eu que la rue Buffon à traverser pour se retrouver ensuite à la Galerie de paléontologie et d'anatomie comparée du Muséum. Une fois salué le Diplodocus et le T. Rex qui du haut de leur moulage ont fait frémir des générations d'enfants, ils se sont trouvés nez-à-nez avec les animaux qui, à l'aurignacien ou au gravettien, côtoyèrent aux Eyzies les ancêtres de Cro-Magnon et de l'abri Pataud.
Toujours menaçants avec leurs monstrueuses mâchoires de 300 siècles, l'ours et le lion des cavernes ont fière allure, à côté du mégacéros démesuré, ancêtre de nos meilleurs cervidés.
Quelle place faudra-il accorder à tous ces témoins humains et animaux figés dans l'Éternité, et sous quelle forme, dans le futur musée de Cro-Magnon ?



Un musée aux champs
À Châtelperron, près de Moulins dans l'Allier, notre dernière étape nous a conduits, à titre comparatif, à un musée assez rustique aménagé dans une ancienne gare. Complet et d'un bel intérêt pédagogique, il présente le castelperronien, époque à la charnière de Néandertal et de Cro-Magnon, au fil de dioramas.
Créé en 2000, ce musée a été monté grâce à des Périgordins, Alain Morala (parent d'André Morala du musée des Eyzies), Jean-Philippe Alibert et Christophe Vigerie, sous la supervision de l'inspecteur Henri Delporte, spécialiste de l'Homme de Chancelade.
Enfin, l'histoire ne serait pas complète si l'on oubliait le circuit aller-retour infligé au fond du coffre de la voiture à quelques ossements de Valojoulx — jadis offerts par Roger Constant du Regourdou au spéléologue de Périgueux Gérard Delord — emportés à tout hasard dans un carton pour d'éventuelles analyses. Ils furent à deux doigts, pour ne pas dire à deux phalanges, d'être dérobés. Laissé dans l'auto stationnée, le carton a en effet été éventré tandis qu'à côté s'envolaient appareil photo, couteau suisse, et autres bricoles. Les chapardeurs ont dû, en apercevant les calottes crâniennes, refermer promptement la boîte avec effroi et s'enfuir leurs jambes à leur cou !
Auteur : Alain Bernard

Libellés : Alain-Bernard, alain-froment, gerard-delord, henri-deleporte, jean-max-touron, prehistoire-perigord
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