Michèle Angelvi - J'ai rêvé la nuit bleue samedi 9 juillet 2011

Lecture pour tous

La rubrique que voici est nommée « Lecture pour tous » en hommage à Pierre Desgraupes (originaire de Mensignac en Dordogne) qui créa, en 1953, sous ce nom la première émission de télévision dédiée à la lecture.
La Grèce. Un monde minéral et mythique où les flots de touristes, la crise moderne nous rappellent qu’ici tout est né et tout peut y mourir. Mais le sentiment d’éternité triomphe dans ce bleu qui marie ciel et mer sans que les jardins ne soient contrariés dans leurs mystères. Le fracas de la tragédie est transcendé par l’âme humaine. Toute vie est un poème. Michèle Angelvi, Michèle Lapaquellerie de son vrai nom, originaire de Bergerac s’éprend la dix-neuvième année parvenue de cette terre si prisée, si courue par les romantiques, les grands voyageurs du cœur.

Avec un pointillisme enflammé elle expose ses impressions dans un premier essai : « J’ai rêvé la nuit bleue ». Un jeu littéraire énigmatique sous les portiques de l’Agora d’Athènes où la foule de ses auditeurs, abritée du soleil, venait écouter Hérodote relater ses voyages. Il y avait là des sonorités subtiles de l'helléniste Jacqueline de Romilly et les coloris de l’approche contemporaine de Jacques Lacarrière.

Michèle Angelvi - © photo Maryse Mano - Lire un article de Maryse Mano sur le journal SO
J’ai rêvé la nuit bleue est une ode plus intime, éclosion progressive entre Mona, une jeune intellectuelle, et Luigi, un homme vieillissant, risquant chacun de son côté de se reconstruire suite à de déchirantes déceptions amoureuses. La Grèce sert de toile de fond à ce roman mêlant poésie, culture hellénique et sentiments. Et quelle Grèce ! Celle des espaces presque inviolés où l’authenticité se fait silence et se déguste avec ingénuité, sobriété. On s’abandonne dans les criques, on se dépouille sur les terrasses qui exhalent leur douces complicités, on s’abandonne encore dans la tiédeur du soir. C’est le temps où les destins se veulent fluides telle cette mer qui n’a de cesse de feindre de ne pas voir mais nous invite à l’humilité. On y accoste la vérité, la sienne, celle qui, par ailleurs n’est qu’une incessante traversée d'une île à l’autre.

Le vaste élan romantique né autour de Byron au siècle où le romantisme envahissait l’Europe jusqu’à Nauplie, capitale de l’Argolide et un instant de la Grèce moderne, enlace Luigi Vitti, cinéaste renommé dont les replis de l’existence sont des lieux de tortures et qui cherche à résoudre la douloureuse équation de l’amour et du bonheur.
Grèce photo Pascal Serre
Je contemplais la baie qui s’étendait devant moi. Les îles, au large, se devinaient à peine dans l’obscurité. La nuit était encore douce pour la saison, car c’était déjà l’automne © Pascal Serre

La jeunesse étranglée, l’arbitraire des destins, l’onirisme des poètes, la pulsion vitale de redessiner le passé constituent l’amour perdu ou, pire, jamais rencontré. Des actes manqués qui reprennent une nouvelle existence dans cette nuit bleue propice à toutes les résiliences.

À la croisée de ces deux destins secrets et si communs, Luigi amoureux en gestation cède le visage de Bianca son épouse pour celui tout aussi inaccessible de Mona. Tout le récit est rythmé par ce soleil intense, la chaleur sèche, l’ombre des pins, le clapotis incessant de la mer, les clairs-obscurs des taverna où l'on attend la fraîcheur diurne. Le soleil véritable fer rougi comme les destins de Luigi et Mona est permanent.
Cartes postales Grèce par Pascal Serre
C’est ainsi que Bianca se remit à peindre. Elle disait qu’elle avait trouvé la paix intérieure et pouvait désormais
travailler dans la sérénité © Pascal Serre

Cette douce mais implacable méditation de la destinée souligne l’ambivalence des personnalités. Les aventures, les conditions vont et viennent mais ne se défont jamais. Passé, présent s'enchevêtrent dans un désordre apparent. Il y a là un romantisme exacerbé où l’eau accueille les nostalgies et les transcende dans des paysages sublimés par la fluidité des mots.

C’est aussi la notion complexe du couple qui transparaît peu à peu, se brise, se rajuste. L’amour se refuse à l’échec et pourtant, dans ces atmosphères contrastées et homogènes à la fois, les imaginaires s’accouplent aux vérités profanes. Au travers de Mona, la jeune femme, Bianca, la femme légitime prend un nouveau sens, une nouvelle place. Puis, tel l’ouroboros, elle cédera encore devant Mona.

La vie devient une vaste et unique période de deuil entre l’amour et la vie ; entre les illusions et les désillusions. Une quête qui ne peut être que solitaire, énigmatique. Ce n’est pas un hasard si Mona évoque Michelangelo Antonioni dans sa lyrique expression cinématographique. On se remémore alors Chronique d’un amour, parfaite traduction de la force et de la faiblesse des sentiments toujours perdus et toujours à construire.

Luigi, Mona, Bianca apparaissent, disparaissent mais, finalement sont toujours acteurs et témoins de cette pièce de théâtre aux subtilités émouvantes car perpétuellement en ombre portée par le destin qui nous échappe, nous émeut. Comment ne pas accepter le miroir ainsi présenté ?

J'ai rêvé la nuit bleue de Michele AngelviLuigi se dévoile progressivement et l’on chemine dans les méandres de sa sensibilité, explorant les tréfonds de sa psyché en une analyse aux accents parfois délicatement proustiens. Et si l’histoire de Mona fera finalement contrepoint à celle de Luigi et Bianca, cette héroïne restera toujours lointaine et solitaire et insaisissable. Sommes-nous au centre de notre propre aventure ? Ce n’est pas là le moindre avantage de ces instants volés que nous nous empressons de rentrer dans notre vieille malle désormais prête au départ vers les rives de la mer Égée.

En choisissant la Grèce comme cadre de cette méditation commune, Michèle Angelvi cède à la dramaturgie grecque un élan moderniste particulier sans céder aux mythes de l’humanité. Le livre ne se referme pas car il nous invite désormais à rêver, nous aussi, notre nuit bleue.
Auteur : Pascal SERRE


« J'ai rêvé la nuit bleue »

Michèle Angelvi, Éditions Galazio, 216 pages, 20 €.

Pensée de la semaine

Douglas Jerrold« Il y a deux sortes de lecteurs : ceux qui traversent les livres avec prudence et ceux qui, tout aussi prudemment, laissent les livres les traverser. »
Douglas Jerrold (1803 - 1857). Journaliste et humoriste anglais.


Le journaliste périgourdin Pascal Serre est membre de :
  • Institut Montaigne (Paris)
  • Fondation Terra Nova (Paris)
  • Fondation de la France Libre (Paris)

Libellés : , , , ,

Pour commenter les billets, veuillez cliquer sur le bouton rouge ci-dessous à droite ↓
Les commentaires, analyses et autres opinions qui paraissent dans Périblog, n'engagent que leur auteur.







Commentaire de Anonymous Christine , le 9 juillet 2011 à 15:50  

L'article est de qui : Maryse Mano ou Pascal Serre ?

Commentaire de Anonymous Bonnal , le 9 juillet 2011 à 16:50  

Superbe roman dans un paysage antique que l'on souhaiterais qu'il nous arrive. Et une très belle écriture de l'auteur. Il faut le lire absolument pour le vivre....

Commentaire de Anonymous SIMONE , le 10 juillet 2011 à 02:36  

POUR UNE FOIS JE VAIS ME TRANSPORTER EN GRECE CAR JE CONNAIS MICHELE ET NE SAVAIS PAS QU'ELLE AVAIT FAIT UN NOUVEAU LIVRE

Commentaire de Blogger Périblog - William Lesourd , le 10 juillet 2011 à 02:43  

Le billet (terme utilisé pour les articles sur les blogs) est bien de Pascal Serre.
Maryse Mano quant à elle, a écrit l'article que l'on peut trouver sur le journal Sud Ouest en ligne en cliquant le lien sous la photo.

 

Découvrez (ou redécouvrez) Périgueux capitale administrative de la Dordogne à travers les archives de Périblog