Le point zéro du « Coderc » lundi 20 juin 2011

Le cancan du Coderc est une chronique hebdomadaire dont le sujet est la place du Coderc à Périgueux et ses people, rédigée par le journaliste Pascal Serre :

Une semaine éloignée des coupoles de Saint-Front pour retrouver celles de Saint-Marc. Un voyage millimétré pour être au rendez-vous du Coderc. Une mise en bouche pour le festival « Art et Eau » ? Qui sait. En attendant ces jours annoncés fastes, ce samedi nuageux jusque dans les esprits, les choses de la vie étaient lagunaires. Entre deux cités, entre deux marchés, entre deux théâtres.

C’est en épilogue d’une semaine passée dans l’onde de Venise, intense vibration musicale émanant de ce vaste coquillage urbain, que nous nous retrouvons à trois ; derrière la terrasse vitrée constituée dans les entrailles de l’estaminet du Coderc. Il fait frisquet et le soleil joue à cache-cache justifiant notre repli de brigands qui ne veulent pas perdre un grain du sac des sensations hebdomadaires déversées sur notre intervalle singulier et presque égotiste.
Rentré la veille de la cité des Doges je n’ai pu convaincre que Christian venu des hauts de Saint-Georges avec Péribus et Alain lequel, seul ou accompagné, assume son rituel du samedi sans discontinuité. Les autres me croyant encore dans la vase d’un lieu tout autant magique qu’inaccessible.

La Pescheria, le marché au poissons de Venise 26/05/2011 © Pascal Serre

Point de senteur de café grillé mais un grand café, breuvage selon la formule attribuée aux Tziganes « noir comme le péché, chaud comme l’enfer et doux comme l’amour », nous est déposé sur la petite table qui nous sert de point zéro ; au bar du Coderc. Comment résister à l’appel de ce muezzin invisible qui fuse vers le ciel dans la vapeur de l’insolent percolateur de Pascal ? J’aurai bien tenté un capuccino, café expresso sur lequel on dépose une mousse de lait saupoudrée de cacao mais le vrai jupon d’Arétine du café Florian de Venise demeurait si immuable dans ses saveurs que je n’osai l’embarrasser.

Du Coderc à la Pescheria

Eleonora Duse est une comédienne italienne née le 3 octobre 1858 à Vigevano et morte le 21 avril 1924 à Pittsburgh. Source Wikipédia. Photo droits réservésPascal ? J’ai pensé à lui et à notre Coderc devant mon rituel cappuccino du Café Florian, place Saint-Marc, les coupoles de Saint-Marc me signifiant leur gémellité comme un clin d'œil à ma basilique de Périgueux.

Je comptais sur mes compagnons pour me faire une revue de presse détaillée. Je constatais que celle-ci errait fort dépourvue de sonorités éloquentes et irrésistibles. Je mettais ceci à ma lucarne encore dégagée sur l’ombre lumineuse d’Éléonora Duse (à gauche), merveilleuse comédienne italienne, rivale de Sarah Bernhardt. Combien j'eus aimé qu’elle soit ici, avec nous, sur ce Coderc si proche de ces marchés vénitiens que sont la Pescheria ou l’Erberia.
La place Saint-Marc à Venise, Italie Le Caffè Florian, Place Saint-Marc de Venise en Italie
La place Saint-Marc (du nom de l'évangéliste, protecteur chrétien de Venise, saint Marc au bord du Grand Canal, avec la basilique Saint-Marc et le campanile de Saint-Marc
Le Caffè Florian est le plus ancien, célèbre et luxueux café de la Place Saint-Marc de Venise en Italie fondé en 1720 par Floriano Francesconi
L’Erberia, le marché aux fruits et légumes
L’Erberia, le marché aux fruits et légumes
06/2011 © Pascal Serre

Je reprenais mes esprits avec une maladresse certaine me refusant à tisser ma mémoire avec mes amis du jour et avide de reprendre le chemin de mon point zéro : le Coderc.
Pascal Mesmin dit Calou au bar de la Truffe à Périgueux
Pascal Mesmin, « d’un Café, l’Autre » 26/05/2011 © Pascal Serre

La grande cape et le vélo d’André Couzinou

Alain était tout joyeux d’avoir découvert qu'André Couzinou, ancien policier, aujourd’hui âgé de 99 ans était toujours de notre monde.
- Couzinou ? Je l’ai connu quand le commissariat était installé à la Cité administrative. Il y avait pas plus d’une quinzaine de fonctionnaires tout compris. Les rondes se faisaient à vélo.

André Couzinou Périgueux
André Couzinou26/05/2011 © Arno Loth - Sud-Ouest
Et Christian de nous raconter sa passion pour le rugby et ses incartades, le dimanche, au stade Roger Dantou.
- On se connaissait tous. Ma défunte femme savait qu’entre 13h30 et 18 heures j’étais au stade. Couzinou était souvent le seul policier à assurer un ordre qui ne faillissait jamais. Les joueurs bataillaient dur sur la pelouse et les spectateurs encore nombreux manifestaient leurs émotions sans aucun débordement. C’était un spectacle bon enfant mais sérieux. Le CAP c'était quelque chose ! Maintenant je ne me sens pas trop concerné. L’âge peut-être. Mais là je vais suivre ce match de dimanche.

Alain préfère évoquer la silhouette et le vélo d’André Couzinou. C’étaient la fin des années cinquante, peut être soixante. Il avait une grande cape en ciré les jours de pluie et passait beaucoup de temps à discuter avec tout le monde. Son carnet de PV ne sortait pas souvent de sa redingote et tout se réglait à l’amiable. André Couzinou était respecté car sa seule présence suffisait. Rien à voir avec le Pierre Bonny dont l’ami historien Guy Penaud a retracé le détestable et déshonorant destin.

L’ironie est le plus beau des sentiments

Jean-Jacques Dallemand, qui passe en bon père de famille, prolonge ses réflexions entre Saint Marc et le Coderc et nous surprend dans nos débats.
- Ah te voici de retour de Venise ! Et Périgueux… La ville où les lions du carrefour des Quatre chemins volent dans l’espace et où les nuages – marchant discrètement main dans la main – n’osent pas dépasser le sommet de Saint-Front…

Carina et ses chats. Textes de Jean-Jacques Dallemand ; illustrations de José Corréa. Editions de la LauzeJean-Jacques nous rappelle ainsi qu’en 1993 – déjà – il avait commis un roman délicieusement enrichi des dessins de José Correa1. Et le maire-poète du Coderc de poursuivre :
- L'ironie est le plus beau des sentiments. J’appelle l'ironie : savoir faire son marché.
Sous les pavés du marché Coderc dort un très ancien cimetière. Les âmes mortes ont leur chapelle au-dessus d'un vieux temple gaulois. Le Coderc n'est qu'une très vieille colline faite d'amphores usagées, abandonnées, détruites et empilées.
Ces amphores, ces pierres, ces os, ces croix de légionnaires  venus du Lazio parlent  désormais la langue du pays Périgord.

Nous voici confondus par tant d’élégance.

De la houle sur les caméras de surveillance

Christian, par une transition pertinente, se lance sur la réunion publique de Philippe Cornet concernant la délinquance.
- Je m’y suis rendu. C’était fort intéressant même si on a enfoncé des portes ouvertes et que ces gesticulations seront probablement sans lendemain. Il veut mettre des caméras de surveillance. Big Brother !

Alain embraye.
- Qu’on laisse la police faire son travail et qu’on lui donne des moyens. En France on a toujours le chic pour inventer le fil à couper le beurre. Pendant qu’on débat on n’agit pas.

Je me hasarde à dire qu’à Venise et d’autres villes traversées les caméras sont déjà installées.

- Ce n’est pas une raison ! claque Alain.

L’enthousiasme de l’esprit répond à la confusion de l’âme

Je tente d’avoir quelques informations sur le festival « Art et Eau » qui arrive à grandes enjambées. Sans succès. Faisant chorus mes deux lurons manifestent leur désintérêt pour ce « truc qui n’apporte rien ».

Je laisse leur appréciation sans écho. Le temps est encore gris mais l’on promet une éclaircie en fin de matinée.

A travers le système de la camera obscura qui – grâce à un jeux de miroir – permettait au peintre de cadrer la totalité du motif, je contemple d’un œil voluptueux la scène de ce Coderc. Me voici à mon « point zéro », lieu particulier depuis lequel les distances routières sont traditionnellement calculées.

Je m’évade vers Venise dont Nietzsche disait « j’y suis heureux parce qu’on peut sans trop de peine y vivre à la japonaise. Tout le reste de l’Europe est pessimiste et triste. »

Le Coderc éclot à la proue de mon navire et je lui dessine des horizons communs avec mes impressions éloignées en apparence de celles de mes amis arrimés aux coupoles byzantines de notre cathédrale toute proche et dont les cloches précisent qu’il est déjà dix heures.
Festival Art et Eau à Périgueux 2011
De retour chez moi je me lance sur internet pour en savoir un peu plus sur le festival Art et Eau. Logique quand on revient de Venise ? Je lis avec intérêt la prose de notre maire, notre doge : « Née de l'ambition de doter la ville d'une manifestation artistique et citoyenne autour de l'eau, cette première édition est l'occasion pour les habitants de se réapproprier leur rivière. Forte des usages fluviaux à travers les siècles, Périgueux renoue pendant trois jours avec son Isle, sous l'œil bienveillant d'un parrain illustre : Yves Parlier. Mêlant l'art et l'eau, devenue support et source d'inspiration, le spectacle d'ouverture, La Ville immergée, donnera la tonalité de l'événement. Sillonner nos berges à la découverte d'œuvres inédites sera aussi le moyen de repenser ce patrimoine précieux en responsabilisant notre rapport à la rivière et ses éco-systèmes. Mais tout cela n'aurait jamais vu le jour sans l'implication, depuis de longs mois, des scolaires, associations, habitants, artistes et services municipaux. Je vous invite tous à revisiter la rivière, cette richesse de notre ville, et à profiter des festivités. »

La gémellité due à l’histoire et aux hommes

Il serait inconvenant de ne pas répondre à l’appel du doge de Périgueux. Un peu d’enthousiasme ne peut que ramener un peu d’espérance dans un monde si confus. Et puis, et puis, une gémellité entre les marchés de Venise et du Coderc, les eaux de la lagune et celle de l’Isle, des coupoles si proches dans leur architecture me semblent si évidentes m’invitent à prolonger mes impressions. Mais, attention, le point zéro c’est le Coderc.
Auteur : Pascal SERRE
(1) Carina et ses chats. Textes de Jean-Jacques Dallemand ; illustrations de José Correa. Editions de la Lauze. 157 pages. 9,91 €

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Pascal Serre, journaliste périgourdin, est membre de :
  • Institut Montaigne (Paris)
  • Fondation Terra Nova (Paris)
  • Fondation de la France Libre (Paris)

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Commentaire de Anonymous Anonyme , le 22 juin 2011 à 08:52  

Du point zéro poétique de Periblog doit-on passer au point zéro politique de Moyrand ?

Commentaire de Anonymous André , le 23 juin 2011 à 02:34  

Laissez Moyrand tranquille et soyez positif comme l'écrit l'auteur de l'article. Yen a marre des critiqueurs professionnels, frustrés de tout et manipulateurs de rien. Vive Art et eau de Périgueux à Venise.

Commentaire de Anonymous Maurice Melliet , le 23 juin 2011 à 10:28  

Rappelons à Pascal Serre que le poète du Coderc (Jean Boussuges) n'est pas encore mort.
Alors évitons d'en inventer d'autres en leur ajoutant le nom de "maire" ! Un maire n'est jamais poète et un poète n'est jamais maire !
Sauf quand on s'appelle Guéna, Darcos où Verdi......

le co-pain de jeannot

Commentaire de Anonymous Jean-Claude , le 23 juin 2011 à 17:58  

Les batailles de poètes accompagnent-elles désormais les joutes politiques ? Maire, poète.. C'est quoi tout ça ?
Je ne connais ni Jean Boussuges ni Jean-Jacques Dallemand. Périgueux ne peut pas avoir plusieurs poètes ? J'y comprends rien. C'est clochemerle. Il est vrai que chacun existe comme il peut. Dommage pour le rédacteur que son travail se réduise à ces visions étriquées.

Commentaire de Anonymous Pascal SERRE , le 24 juin 2011 à 08:06  

Cher Maurice,
Je sais fort bien que "Jeannot" est là... Toujours et encore là. Sa présence devrait d'ailleurs, d'une façon ou d'une autre être entretenue. Dans un monde qui n'a de cesse de s'accélérer, de broyer le temps et brouiller les mémoires je pense toujours que quelques esprits entretenant l'amitié avant tout vibrent encore. Tu en fais parti. C'est là une de tes nombreuses qualités. Que j'aime le ton éloquent enflammé souvent sans concession mais si authentique ! Merci pour ce rappel que les visiteurs sauront apprécier.
Amitiés

Commentaire de Anonymous Paul , le 25 juin 2011 à 09:44  

Mais oui que de critiques sur le festival art et eau on a entendu. Les mêmes personnes se plaignent qui se passent rien à Périgueux. Périgordin d'adoption je trouve tout ceci bien petit et désolant.
La critique semble être un sport local qui explique bien des déboires.
Internaute de longue date je suis tombé par hasard sur ce site et je trouve le ton élégant et plaisant. Je comprends pas tout mais tant pis. Avec le temps ça viendra.

Commentaire de Anonymous XL , le 25 juin 2011 à 12:45  

Il n'y a pas que pendant les matchs de rugby qu'André Couzinou faisait régner l'ordre. Chez lui aussi, ais-je entendu dire.

Commentaire de Anonymous Anonyme , le 25 juin 2011 à 18:28  

XL est modéré sur l'ordre dans la famille Couzinou. Il semble que l'histoire retienne ce qu'elle veut bien retenir. Quelques anciens se rappellent d'andré couzinou pas uniquement pour sa bonhomie notamment XL.

Commentaire de Anonymous Jacques MARSEAU , le 25 juin 2011 à 18:35  

Art et eau a pris l'eau pour sa soirée de lancement. Spectacle minable et public moins nombreux que pour le 14 Juillet. J'ai entendu dire que les Périgourdins s'en foutent sauf que ça coûte beaucoup d'argent au Roi de Périgueux et amuse ses courtisans et quelques artistes inféodés comme toujours au maitre du moment. On dira que je suis un mauvais coucheur et bien oui et j'assume

Commentaire de Blogger Périblog - William Lesourd , le 25 juin 2011 à 19:54  

Public moins nombreux que le 14 juillet... il ne manquerait plus que ça.

C'est plein de bonnes intentions, mais franchement autour de moi on se demande : Pourquoi un festival Art et Eau ? W

Commentaire de Anonymous Anonyme , le 25 juin 2011 à 22:16  

N'EN DÉPLAISE À MONSIEUR SERRE JE SERAI MOIS AUSSI BOUGON, RALEUR ET MÊME PLUS. JE SUIS ALLE AU SPECTACLE. C'EST À L'IMAGE DE LA MUNICIPALITE : SANS SAVEUR, SANS COULEUR, SANS SON MAIS AVEC UNE NOTE SALEE.
VOILA ARRIVÉ LE PREMIER GRAND COUAC, LES AUTRES SUIVEN. JE M'EN REJOUIS PAS.

 

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