Patrick Brou de Laurière mercredi 26 mai 2010

Au fil de l'Isle Chaque semaine retrouvez sur Périblog l’humeur de la semaine par Pascal Serre

Un astre superbe et plein de mélancolie

Patrick de Brou de Laurière est un personnage romanesque qui n’aurait pas déplu à Chateaubriand, Maupassant, Alfred de Vigny ou, plus largement ces romantiques qui traversèrent leur époque comme une conversation amoureuse.

Le vulgaire serait de retenir de Patrick de Brou de Laurière exclusivement le mondain richissime qu’il était. D’autres sauront le faire mieux que moi-même.

Il suffit de rappeler que l’imposante demeure située au bas de l’avenue Georges Pompidou, sur la gauche en montant vers l’hôpital, à Périgueux, lui appartient ; qu’il a une des plus sublimes collections de vieilles voitures et que, né en août 1928, il s’en est allé vers un autre monde le vendredi 21 mai dernier. Aucun avis de décès n'est encore paru.La maison de Patrick de Brou de Laurière à Périgueux
l’imposante demeure située au bas de l’avenue Georges Pompidou© Périblog

L'ÉLOQUENCE EST UN MANQUE DE TENUE

Si toute personne qui vit en vérité vit en paix on peut concevoir que cet esthète, mécène discret si ce n’est transparent, la bienveillance silencieuse, calme, apaisant, courtois, élégant et si humble me fit toujours penser que l’éloquence est un manque de tenue.

Patrick de Brou de Laurière - photo de Jean-Christophe Sounalet
Patrick de Brou de Laurière s’en est allé vers un autre monde le vendredi 21 mai dernier© JC Sounalet (photo provenant du site du journal Sud Ouest)
L’homme savait se départir de son époque sans transgresser un monde étranger à sa sensibilité vraisemblablement émoussée si ce n’est affectée par les dents du dragon qui poursuit le possédant et l’expose à la voracité des aventuriers de basses fosses.

Il s’en écarta avec la fermeté et la délicatesse qui convient à l’homme de bien dont la sagesse s’accompagne de la bonté mesurée.

Je veux croire, même si l’âme humaine est impénétrable, que Patrick de Brou de Laurière avait trouvé sa juste place, celle qui lui convenait le mieux, entre les arts et les expressions intimes de ses amis.

IL S’AFFRANCHIT DE SA CONDITION À LA FAÇON DE DÉMOCRITE

Si la vie lui donna ce que le béotien passe son existence à lorgner, il s’en affranchit à la façon de Démocrite : « Si tu désires peu de choses, ce peu te semblera beaucoup, car des désirs peu exigeants donnent autant de force à la pauvreté qu’à la richesse. » Il choisit d’être mécène.

Mécène (né en 70 av. J.-C. et mort en 8 av. J.-C.), patron des poètes, apparaît souvent dans leurs vers, soit à visage découvert, soit sous divers masques. Ce qui nous rapproche de l’intime Patrick de Brou de Laurière, sans le transgresser. Mais, c’est toujours pour s’opposer comme un modèle d’élégance, de goût, d’humanité et de sensibilité douloureuse face à un Auguste (né en 63 av. J.-C. et mort en 14 ap. J.-C.) qui était dominateur, violent et grossier. Là aussi, l’analogie n’est pas dénuée d’intérêt entre le mécène Périgordin et nos temps dévastateurs.

Il n’y a pas si longtemps, une grande capeline recouvrant avec pudeur l’angoisse du temps qui, inexorablement lui échappait, un chapeau noir le plus souvent en gros feutre de laine, portant l’hiver une écharpe, il descendait les boulevards saluant avec distinction quelques connaissances. Il avait toute l’allure d’Aristide Bruant. Et ceci lui convenait à merveille traduisant une intemporalité et une liberté immuables.

IL DOIT ASPIRER À ÊTRE SUBLIME

Fut-il un dandy ? D’une certaine façon oui. Élégant, raffiné, se réclamant des choses de l’esprit et de l’art mais aussi d’une certaine impertinence. Baudelaire identifie le dandysme comme « le dernier acte d’héroïsme. Il doit aspirer à être sublime sans interruption, il doit vivre et dormir devant un miroir. »

Sans contester les propos de l’illustre écrivain, je trouve incomplète, réductrice cette citation. Il faudrait rajouter ce qu’en relata Oscar Wilde qui compare cet « art de vivre » à un soleil couchant, un astre qui décline, superbe et plein de mélancolie.

Monsieur Patrick de Brou de Laurière, pour tout ceci et, parce que l’on ne peut réduire la vie à un paquet d’atomes, j’éprouve de la tristesse, mais aussi la certitude de ne pas vous oublier. A celles et ceux qui souffrent de votre absence j’adresse mes respectueuses condoléances.
Auteur : Pascal SERRE
Membre :
  • Institut Montaigne (Paris)
  • Fondation Terra Nova (Paris)
  • Fondation de la France Libre (Paris)

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Commentaire de Blogger Jean-claude Bonnal , le 27 mai 2010 à 08:36  

Un grand nom qui disparaît des descendants de la famille Michelin...Le Papa était le médecin des pauvres! Je m'incline respectueusement J.C Bonnal

Commentaire de Anonymous Anonyme , le 27 mai 2010 à 08:38  

Pour avoir durant de longues années fréquenté, une fois l'an, les salons de la vaste bâtisse de Patrick de Brou de Laurière, l'avoir suivi dans quelques réceptions, vernissages et expositions me voici ému par la très grande sensibilité de Pascal Serre par son écrit si juste et précis, intimiste et délicat. MercI

Commentaire de Anonymous Hervé MAURAND , le 28 mai 2010 à 00:26  

Une belle nécrologie pour un personnage hors du temps et qui n'a pas eu à se heurter aux problèmes de retraite et de smic. Une sorte de non événement si ce n'est la belle plume de l'auteur

 

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