Ilo de Franceschi : mytho ou mégalo périgourdin ? mercredi 15 août 2012

Au fil de l'Isle Chaque semaine retrouvez sur Périblog les chroniques ou d'autres textes rédigés par Alain Bernard


La récente mystification de Jean-Philippe Gaillard, prétendu responsable d'aérodrome limougeaud finalement démasqué me fait penser, lorsque je longe la vitrine de certains commerces périgourdins, aux généreux sponsors de la vie économique locale qui avaient, au début de la dernière décennie, offert une vraie rente à Alain Jollois.

Alain Jollois en 2002 - Photo d'archive du Sud-Ouest
Alain Jollois lors des tournages controversés en 2002 : « J'ai rendu des gens heureux ». (archives Sud Ouest)
Lire un billet de William Lesourd concernant Alain Jollois
Ce garçon beau parleur se disait metteur en scène et tourna réellement à Périgueux à la clinique du Parc ou dans des cafés et restaurants comme Le Mellow et Les Coupoles. Il fit table ouverte dans d'autres établissements (ainsi à l'Auberge savoyarde), et se fit fort de faire débarquer Julia Roberts sur les bords de l'Isle. Une marchande de lingerie fine de la rue Taillefer devint la plus grande supportrice de ce projet de venue de la « Pretty woman ».

Rien de tel en tout cas entre cet as de l'embobinage qui a dû jouer un autre rôle plus embarrassant au tribunal et Ilo de Franceschi qui, en Sarladais, fin des années 70, réussit à se faire passer pour l'ami des grands de ce monde. Du bel art sans doute, et rien à voir non plus avec ces mystificateurs de bas étage comme ce faux chasseur de fauves, plus familier des grues que des lions, dont je brossai un jour complaisamment le portrait dans mon journal à Angoulême.

Ilo de Francheschi | droits réservésNon, là, il s'agissait bien d'acrobatie mentale très au point, avec un zeste de malignité et une bonne dose de mégalomanie. Ilo de Franceschi, paix à son âme, habitait Limeuil l'été et Montreuil l'hiver. Il m'attira aimablement chez lui après m'avoir vu rêver devant la plaque à Paul Éluard ornant sa façade. Sa pittoresque maison, partagée avec Denyse Parrot, égérie de l'univers littéraire aragonien, croulait sous les livres dédicacés. Et il était rapidement intarissable, ayant connu, disait-il, Einstein, Greta Carbo, Picasso, mais aussi Maïakowsky, Rilke, Joyce ou Malraux... Pour l'instant, il me fournissait la matière d'un article sur Vicente Aleixandre, prix Nobel espagnol de littérature 1977, qu'il avait forcément côtoyé.

Le temps a passé, et Ilo s'est enhardi. Il m'a téléphoné à mon bureau de Sarlat lors de l'assassinat d'Aldo Moro par les Brigades rouges, croisé grâce à un représentant de l'Italie à l'Unesco, puis de la mort de Tito, qu'il

« avait rencontré dans les maquis serbo-croates ». Il disait les avoir « connus de près »
et pouvoir donner un autre coup de projecteur sur leur disparition. Accordé, et en belle place dans Sud Ouest. Preneur d'interviews et de témoignages sur cette actualité brûlante, le journal à Bordeaux se montrait en effet très motivé par ce personnage un peu mystérieux mais ayant tutoyé l'Histoire, et auquel nous avions consacré toute une page biographique. Laquelle passait d'ailleurs sur ses années dans la Bandera, la Légion étrangère espagnole, et sur quelques trous noirs personnels, comme cette alliance avec une jeune châtelaine, prévoyant le gain des biens communs par le dernier vivant.

Ilo commit une imprudence majeure : un jour, à la parution des mémoires de Mme Simenon, il me proposa un papier sur le fameux auteur de polars. Il se serait trouvé notamment dans leur villa azuréenne le soir d'une terrible algarade où les plats volèrent. Georges Simenon, la première des personnalités citées de son vivant par Ilo dans notre quotidien, et pouvant donc cette fois répondre au contraire des personnalités défuntes, s'empressa d'affirmer qu'il n'avait jamais vu Ilo de Franceschi de sa vie. L'inspecteur Maigret devait rigoler dans son coin, mais pas moi puisque l'auteur franco-belge réclamait un démenti sans appel et des indemnités exorbitantes. J'ai longtemps été tricard au journal, suspecté dès que j'annonçais de grosses infos pour les pages dites nobles au plan régional.

Un jour, dans un salon de coiffure, seul lieu au monde où l'on peut consulter « Point de vue Images » et lire les nouvelles des grandes familles non régnantes, j'ai découvert qu'Ilo était décédé et le magazine reprenait, sans un bémol, le récit le plus détaillé de sa si riche existence pour une bonne partie imaginaire. J'ai d'autant pensé que c'était un beau clin d'oeil du destin que, le recontrant une dernière fois, le jour de mon mariage, il m'avait glissé avec un gros clin d'oeil :

« On a bien rigolé, non ? »
Surtout lui !

Auteur : Alain Bernard


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Commentaire de Anonymous Kader Benouiouï , le 15 août 2012 à 12:30  

Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

Commentaire de Anonymous Alain Bernard , le 16 août 2012 à 16:52  

Des réactions à l'article sur Ilo de Franceschi

Suite à l'article sur le mystificateur Ilo de Franceschi, nous avons reçu de l'ex-vice-président du CAP Didier Delezay, vivant aujourd'hui à La Réunion, le message suivant:
" Je me suis régalé à la lecture de ton papier sur Ilo de Franceschi, tu devrais en écrire la vraie fausse biographie.
Dans les mystificateurs il y a bien eu un type qui a fait rêver ville et département sur des projets pharaoniques à Saltgourde, quant à Antoine de Tounens se faire subventionner par les francs-maçons pour finir quasi-béatifié c'est aussi picaresque."



Nous aurions souhaité par ailleurs offrir à nos habitués la réaction d'un commentateur se présentant comme... M. Kader Benouioui (sic). Le caractère trop personnel et partiellement diffamatoire de son point de vue nous en interdit, en termes légaux, la publication. Nous remercions néanmoins son auteur de sa contribution active à ce débat si brûlant sur l'usurpation d'identité. Il est invité à reformuler son commentaire en omettant bien entendu toutes nouvelles attaques personnelles. -A.B.

 

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