Le « Balzac mondain » mardi 20 décembre 2011

Le cancan du Coderc est une chronique hebdomadaire dont le sujet est Périgueux et ses people, rédigée par le journaliste Pascal Serre :

Ce samedi, visite obligée à la grande sœur du Coderc qu’est la place Saint-Louis. Truffes et foie gras y règnent sans partage. La Confrérie de la truffe et du foie gras du Périgord intronisait un banquier, Jean-Pierre Vauzanges, et un sénateur, Claude Bérit-Débat. Rencontre avec Eugénie Grandet et une mystérieuse liturgie typiquement balzacienne.

Les preux chevaliers de la bonne chère ne sont pas seulement de joyeux drilles. Les coups de fourchettes cèdent vite le pas aux petits coups de mains. On le sait, beaucoup de choses se règlent autour d’une bonne table. Quand, en plus, l’adoubement se fait entraide… La sauvegarde du terroir est ce qu’il y a de mieux pour réduire les divisions et protéger des intérêts particuliers. Comme on dit : et plus si affinités… Il y a deux ans, le magazine « L’Express » sous le titre évocateur de « Gargantuesques confréries » avait relevé la propension naturelle de notre bon Périgord dans cet art.

De gauche à droite : Christian DUPUY, Claude BRUN, François MARTINS, Jean-Pierre VAUZANGES, Claude Bérit-Débat, Jean-Pierre SAINT-AMAND, Michel MOYRAND 17/12/2011 © Pascal Serre

Une comédie du bonheur

Quoi de mieux que de soustraire un grand banquier et un sénateur à la piétaille ordinaire pour les élever dans un ordre quelconque qui sent bon les marivaudages de boutiquiers. Combien tout ceci conviendrait à l’esprit d’Honoré de Balzac ! Et pourtant, le Philistin que je puis être quand les prétendues affinités et amitiés dérivent vers la pantalonnade m’exige un regard plus tendre sur cette comédie sans pareil que Denis Tillinac a si bien dépeinte dans ses premiers essais. Ma dernière lecture de Michel TestutLe Bonheur à Périgueux – me ramène là où je suis heureux.

Et oui, je succombe à ces équipages surgis d’un théâtre de boulevard, je tressaille aux déclamations toujours généreuses qui rivalisent de grandeur au point de faire croire que l’impétrant est embaumé de sapin. Oui, j’aime ces grandiloquences provinciales, ses liaisons aux discrètes évidences, ses congratulations qui me rapprochent de l’éternité. En ces moments de fortune, je m’abandonne à mes rêves d’enfants et mes pantalons raccourcissent quelle que soit la saison.

Claude BÉRIT-DÉBAT et Jean-Pierre SAINT-AMAND entonnent « Se canto », chanson d’amour reprise dans toute l’occitanie mais qui aurait vu le jour dans le Béarn 17/12/2011 © Pascal Serre
Madame BÉRIT-DÉBAT
Jean-Pierre VAUZANGES, Claude BÉRIT-DÉBAT
17/12/2011 © [1] & [2] Pascal Serre

La magnifique tablée de notables

Il y a toujours là une magnifique tablée de notables qui se poussent comme si l’estrade de circonstances leur conférait l’éternité, la gloire. Il y a l’incontournable groupe folklorique, derniers troubadours d’un monde qui ne veut pas croire qu’il est un bonzaï de péplum ; que l’action de grâce dont il font l’objet rappelle un peu celle accordée par un vieux maréchal, dans une ville d’eau, il y a quelques décennies, aux mêmes naïvetés. Et puis, il y a les passants, le petit peuple des nains de marchés qui se régalent de la pantomime du moment. Par cette mystagogie, le récipiendaire entre dans le Balzac mondain.

La note zofficielle de la cène républicaine

La place Saint-Louis brille de mille gouttes de pluie et les longues draperies rouges à la frange vert kaki des chevaliers du pâtée de Périgueux tranchent sur la grisaille ; le docte collège des maîtres de la truffe et du foie gras du Périgord donne dans le marron. Chacun arbore sa médaille à l’honneur tout gargantuesque comme signe de reconnaissance et d’appartenance à une cène impie. Le maire, Michel Moyrand est là accompagné de quelques adjoints ; il apporte la note zofficielle indispensable dans cette cène républicaine.

Les visages éblouis par la pompe déployée

Ah que voici Jean-Pierre Saint-Amand, adepte du chant et bras droit du président du terroir départemental, Bernard Cazeau, écharpe et cravate rouges sur costume sombre apportant la note presque planétaire à cette cérémonie.

De loin en loin, se mêlent Claudette Moreau, venue en amie de nos coutumes, Jean-Michel Jardry, à la crinière féline toujours prompt à se tourner vers la caméra, Martine Chauvineau, chargée de la communication à la CAP — entendez la Communauté d’Agglomération Périgourdine — qui photographie son patron tout distrait par l’ordonnancement de la chose. Quelques employés du Crédit agricole ont répondu à l’appel du muezzin charentais. Et puis, tant de visages éblouis par la pompe déployée, tels les courtisans rendus à Versailles et découvrant leur souverain en palanquin.

L’allégorie de Monsieur Loyal

François Martins, presque en Don Quichotte ou pour le moins en Monsieur Loyal se fend d’une allégorie pour son filleul de banquier : « Nous voilà sur ces terres de contrastes et de valeurs que vous aimez tant… » Et celui-ci, Jean-Pierre Vauzanges, en fait directeur général de la Caisse du Crédit Agricole Charente Périgord, de humer ces bonnes paroles suaves qui le changent du triple A et des clients retors et à découvert.
Michel LACHAUD
Après avoir été un remarquable photographe, notamment dans le domaine des foies gras, Philippe JACQUINET s’est offert des retrouvailles avec un monde qu’il a longtemps accompagné
17/12/2011 © [1] & [2] Pascal Serre

Le commandeur et le sénateur

Claude Brun qui a arraché de haute lutte sa place de commandeur du prestigieux Collège de la truffe et du foie gras du Périgord a la charge héroïque de camper le prétendant sénateur, Claude Bérit-Débat sous le regard attendri de Madame laquelle conserve sa discrétion habituelle dans la petite foule émerveillée. Ah que le Béarnais semble ravi. Et il y a de quoi car, tout mal pensé, on ne peut que communier aux propos élogieux proférés.

Dominique NAY, grand expert des intronisations surveille le déroulement d’un rituel païen qu’il connaît autant que les bonnes adresses de bouche
Michel MOYRAND remet à Henri DESSOLAS
17/12/2011 © [1] & [2] Pascal Serre

La hotte de Michel Moyrand

Michel Moyrand ouvrira sa hotte de Père Noël qu’il voudrait voir durer douze mois en annonçant qu’il allait mettre à disposition de la confrérie un terrain afin d’en faire un arboretum à vocation trufficole. À son propos, on se pâme jusqu’au pied de la statue de la grenouille agenouillée et presque oubliée. Claude Bérit-Débat lança à marche forcée de sénateur : « j’invite la confrérie au sénat ». On sourit, on rit, on applaudit. Ah que la République est belle !

Tout ce petit monde est à l’unisson. Reste notre banquier qui, plus discrètement évoque une aide du Crédit agricole. On se charge de faire connaître la nouvelle. L’affaire est dans le sac, la fraternelle est en marche, la distribution des prix peut se poursuivre. La comédie humaine version Balzac n’a décidément rien perdu de ses origines. Mais au fond, n’est-ce pas là la meilleure ivresse dans la grisaille de cette fin d’année. Oui, j’aime les confréries. Tant pis pour Balzac.
Auteur : Pascal SERRE

Entre le Père Noël et Alain BERNARD une vieille histoire. C’est la seule période de l’année où l’homme de plume, le tambour de ville, troque son légendaire canotier pour la barbe 17/12/2011 © Pascal Serre
Jean-Pierre VAUZANGES, directeur général de la Caisse Régionale du Crédit Agricole Charente Périgord a fait le voyage abandonnant le pineau pour le Monbazillac
L’extase de l’animateur Eric CAZABONNE doit être essentiellement due à quelques dégustations discrètes et non autorisées
17/12/2011 © [1] & [2] Pascal Serre

Claudette MOREAU qui a passé la main de son entreprise d’intérim à son fils est une fidèle des épisodes
Crayon, bloc-notes, appareil photos en bandoulière, Jean-Baptiste MARTY reste un globe-trotter de la locale
17/12/2011 © [1] & [2] Pascal Serre

Raymond FLEURY, Guy BERGERON, Christian CHAVENEAU venus en amis et représentant la Confrérie du « Raisin d’Or de Sigoulès »


Le journaliste périgordin Pascal Serre est membre associé de :
  • Institut Montaigne (Paris)
  • Fondation Terra Nova (Paris)
  • Association des Journalistes du Patrimoine (Paris)

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Commentaire de Anonymous Anonyme , le 21 décembre 2011 à 02:04  

Ca sent bon la france de papy mais c'est bien écrit. Les confréries ça renifle vichy et la pastille valda, on peut même pas dire que ca mange pas de pain

Commentaire de Anonymous Anonyme , le 22 décembre 2011 à 18:23  

Oh que oui tout ça renifle la bonne et vieille terre de france perclue de petits coups de mains. Suffit de regarder qui y est pour comprendre. Faut dire que le sénateur s'est mis depuis peu à "entreprendre" avec Mangeons 24. Au fait on peut cumuler sénateur et chef d'entreprise ?

 

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