Léon Bloy - Hans et Sophie Scholl, lettres et carnets samedi 6 août 2011
Lecture pour tous
La rubrique que voici est nommée « Lecture pour tous » en hommage à Pierre Desgraupes (originaire de Mensignac en Dordogne) qui créa, en 1953, sous ce nom la première émission de télévision dédiée à la lecture.Léon Bloy, inspirateur de la résistance au nazisme
Dès 1933 les nazis mettent à l’index les ouvrages qui sont contraires à leur doctrine. Le 10 mai 1933 est marqué par un autodafé spectaculaire. L’auteur périgordin, Léon Bloy, figure sur la liste noire.C'est aussi l'extraordinaire rencontre entre Hans (1) et Sophie Scholl (2) qui se nourrirent de la pensée de Léon Bloy, créant un mouvement de résistance « La Rose Blanche » (3). Ils furent arrêtés puis décapités en 1943. C’est ce que révèle l’édition établie par Inge Jens.

Léon Bloy est né à Notre-Dame-de-Sanilhac, près de Périgueux en 1846. Le personnage est complexe, virulent, mystérieux. On pourrait presque le classer dans les écrivains maudits si ce n’était la vision discutable et nihiliste de ce mystique qui interroge « le grand miroir aux énigmes ». C’était un polémiste violent qui dérangeait l’ordre, toujours enclin à l’apocalypse. C’est un homme du tragique.
Il y a chez Léon Bloy le caractère d’un imprécateur apocalyptique dont — déjà — nous aurions pu réclamer l’autodafé… Un homme en quête d’absolu par définition incompris, parfois rejeté. Catholique tourmenté il n’en est pas moins le pourfendeur des antisémites. Il décède en 1917.

Une rencontre extraordinaire
C’est par le plus grand des hasards que de jeunes opposants au nazisme vont puiser une partie de leur réflexion dans la littérature de l’auteur périgordin. Une conjonction qui, intellectuellement et dans le contexte historique de l’époque pouvait aller de soi mais reste extraordinaire.Il reste peu de traces des travaux et références à ces rapports entre l’œuvre de Léon Bloy et la résistance au nazisme. Et pour causes.

De cette réflexion, l’opposition à Hitler et l'oppression nazie est loin de naître seulement d’une dénonciation politique. Elle prend sa source dans la vision que l’on se fait progressivement de ce que doit être la destinée humaine, dans l’idéal de pureté et d’absolu qui l’anime au contact de l’éveil de ses sens. Même si la foi chrétienne a sa part dans ses élans de révolte, c’est la lecture des romantiques allemands, mais également de Nietzsche, Thomas Mann, Dostoïevski, des Pensées de Pascal, des écrivains français — et de Léon Bloy —, Bernanos ou Gide, qui nourrissent chez Hans comme plus tard chez Sophie, étudiante en philosophie, le refus de tout compromis et l’exigence d’authenticité. Chaque événement apporte dès lors sa pierre à cette construction de soi, qu’il s’agisse d’une marche en montagne, d’un concert de musique classique ou de la lecture d’un livre. Les échos de la guerre rendent un son assourdi, comme passé au filtre de ce moi qui s’y construit en même temps qu’il tente de s’en échapper.
Ernst Jünger (4) lisait, appréciait Léon Bloy mais n’en partageait pas la désespérance absolue.
Léon Bloy ou un humanisme désespéré
Cette rencontre n’est finalement pas surprenante car Léon Bloy, polémiste virulent, avait publié en 1892 « Le salut par les Juifs » en réponse à l’antisémitisme d'Édouard Drumont (5). Là encore la plume est acide et l’humanisme sans concession débordant même, une nouvelle fois sur la désespérance. Et Léon Bloy ne connut jamais « la shoah »…
C’est Léon Bloy qui m’a poussé à dire quelque chose
En novembre 1941, seconde lettre qui mentionne notamment :

Léon Bloy : l’universalité surnaturelle
À la suite de La Boétie, de Montaigne ou de Fénelon, dans ce Léon Bloy torturé, outil d’une résistance tout aussi romantique qu’elle fut réelle face au mal absolu qu’il n’aurait même pas pu concevoir, nous sommes flattés. Il y a là un génie offert à la France et à l’humanité. Une universalité surnaturelle. Fallait-il que ceci soit dit.Auteur : Pascal SERRE
(1) Hans Scholl (1918-1943)
(2) Sophie Scholl (1921-1943)
(3) Fondée au printemps 1942 à Münich réunissant des étudiants et universitaires
(4) Ernst Jünger (1895-1898), figure intellectuelle de la République de Weimar, ancien de la Wehrmacht, écrivain
(5) Édouard Drumont (1844-1917), journaliste, est classé dans les antisémites et proches de Daudet, Barrès ou Maurras. En 1890 il fonde la Ligue nationale antisémitique de France.
(6) Otto Aicher (1922-1991), originaire d'Ulm, condisciple de d'Otto Scholl entre en résistance dans le réseau de « La Rose Blanche » contre les nazis dès 1939. Il s’inspire des écrits de Léon Bloy afin d’argumenter sa position.
« Hans et Sophie Scholl, lettres et carnets »
Léon Bloy, Éditions Tallandier, 364 pages, 23 €.Pensée de la semaine![]() Robert Sabatier né le 17 août 1923 à Paris est un écrivain et poète français originaire d' Auvergne. Robert Sabatier sur Wikipédia |
Le journaliste périgordin Pascal Serre est membre de :
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Etonnant découverte qui place Léon Bloy au dessus de notre icone locale qu'est Eugène Le Roy. On est loin des mièveries de Jacquou
Merci pour ces informations inconnues et surprenantes. C'est un hasard qui m'a amené chez vous préparant une thèse sur les relations entre français et allemands antinazis.