Pascal Serre — Faits divers jeudi 20 juin 2013

Le Citizen Kane Périgordin

Avec son air mi-facétieux, mi-comploteur, ses façons cauteleuses et ses nœud pap’s, Pascal Serre, 56 ans, est un personnage périgourdin qui passionne les uns et irrite les autres. À la clef de sa chevauchée de plus d’un quart de siècle : un ex-empire régional d'information, publicité et communication qu’il bâtit à la charnière des XXe et XXIe siècles, entre Périgord et Quercy.

 Pascal Serre, auteur de « Faits divers » est un homme affranchi 2013 © Alain Bernard

Homme d'esprit, il a fièrement régné sur « Le Journal du Périgord », mais aussi sur « Périgord Panorama », « Pouvoirs et Regards en Périgord », « Grand Format », « L’Esprit Gourmand », « Dire Lot », « La Semaine du Lot », des gratuits, etc. avec une vingtaine d'employés et une quarantaine de collaborateurs. Pas la mer à boire, direz-vous ? Si, car sur son créneau de l’information municipale, départementale, consulaire et économique, il était au centre de toutes les pressions un peu à l'instar du héro d'Orson Wells.

Dans « Faits divers » ouvrage de témoignage qu’il vient de publier entre nostalgie et vitriol, il raconte comment lui, fils de modestes progressistes chrétiens (qui n’hésitèrent pas, en 1983, à hypothéquer leur maison pour lui permettre d’emprunter), connut le vertige de la création d’entreprise.

Témoin de son temps

Aidé par le Conseil général de Gérard Fayolle mais guère par celui de Bernard Bioulac, côtoyant des acteurs de la vie publique comme Robert Lacoste, Yves Guéna — avec son publiciste Michel Testut et son adversaire Michel LecointePierre Delmon à Terrasson, Jacky Monmarson ou, un peu plus tard, Michel Moyrand et Xavier Darcos qu’il soutint, Pascal Serre goûte vite, à la fois, le syndrome du journaliste et celui du patron.

Cet enfant de la génération De Gaulle-Joséphine Baker fut lauréat de la fondation Floirat, adora un voyage en Amérique en 1977, rêva de rencontrer Tintin et Albert Londres, et décrocha la carte de journaliste n° 43 828.

Lui qui, ayant débuté au Populaire avec Robert Delfour et assuré les photos de quelques banquets gaullistes du 18 juin, bénéficie de formations poussées, siège finalement aux prud’hommes, est élu au syndicat patronal CGPME et participe aux négociations pour l’avenir de « Dordogne Libre » et de « L’Agriculteur du Périgord ».

Le train a démarré, il ne s’arrêtera plus, en tout cas pas tout de suite, et balloté entre les groupes de presse « La Dépêche du midi » et surtout « Sud Ouest » aux stratégies redoutables, Pascal Serre finira par perdre son âme. Entre patrons de presse, banquiers et pressions politiques qu’il décrit dans leurs plus machiavéliques détails, il finit, malgré les parenthèses de quelques beaux voyages, par craquer.

Le grand trou noir

On arrive alors au chapitre diabolique avec ce qu’il appelle le syndrome du hamster, qui pédale, qui pédale sans fin dans sa cage. C’est le burn out des PDG épuisés, la dépression. Terrible et courante.

Elle est catalysée ici par ce que Pascal Serre décrit comme « la dure réalité des tribunaux de commerce et des mandataires judiciaires. » Car, souligne-t-il, « ma liquidation judiciaire a eu des raisons plus juridiques qu’économiques…»

Pascal Serre se souvient d’avoir, à cet instant-là, perdu le simple contact de ces « milliers de personnes qui, à un moment ou un autre, eurent à le lire, utiliser ses services, parfois le subir » Surtout il voit partir Valérie, sa femme qui lui avait donné un fils (« Il est aussi dur de divorcer que de licencier »), et son groupe Médiapress lui échapper à jamais, après sa reprise en 2008 par un bon ami, Jacques Servia.

Il désigne ainsi, de façon récurrente, un ami qui l’a réembauché comme simple salarié et qu’il poursuit de son ressentiment — « avec acharnement » estime, quant à lui, l’intéressé. Ce repreneur finira par jeter l’éponge en 2010, avant que s’ouvre le nouveau chapitre André Added.

La rédemption

« Faits divers — La parabole du publicise et du hamster » de Pascal Serre, aux édition GuillemetsFaits divers de Pascal Serre 2013 © Périblog

Le désir de témoigner de la « souffrance patronale » face à « la roulette russe de la justice commerciale » ne suffisait peut-être pas à Pascal Serre pour repartir d’un nouveau pied. Et il a trouvé, au fil de missions dans l’ex-Yougoslavie écartelée, son chemin de Damas : c’est à Srebrenica, ville-martyr, qu’il a repris la plume.

Citant volontiers Léon Bloy et Louis-Ferdinand Céline, ne cachant pas ses affinités philosophiques du côté de la franc-maçonnerie, Pascal Serre a retrouvé vie dans l’écriture. Et d’abord à travers le journal Internet Périblog qu’il a nourri d'une bonne centaine d’articles de qualité dans des domaines aussi variés que la politique régionale, les livres en rapport au Périgord ou les échos du marché de Périgueux malicieusement baptisés « Le cancan du Coderc. »

Il a ainsi commencé à oublier les blouses blanches qui bordaient le trou noir de sa dépression tout autant que la frivolité des années Bernard Tapie et Jacques Séguéla, qu’il avait même rebaptisés « les Véronique et Davina des 30 Piteuses », allusion aux reines de l’aérobic et aux 30 Glorieuses.

Sa conclusion ? « J’ai fait preuve de candeur, de mégalomanie et de naïveté, face à une réalité provinciale que le journaliste Denis Tillinac a décrite poisseuse, pesante et contradictoire ».

Il évoque dans « Faits divers » une citation le concernant : « Serre a racheté Le Monde ». Un localier blagueur, ancien de la « DL », l’avait vu en effet racheter ce quotidien, au Coderc, après s'être fait chiper le premier qu’il avait acquis…

Avec ce livre, il ne convaincra sans doute pas tout le monde car il continue d'inspirer quelques rancunes tenaces, au plan local spécialement, auprès d’anciens partenaires. Mais, en écrivant une biographie plutôt qu’un plaidoyer, il a évité l'autocomplaisance. Et en s'abstenant de jouer au héros incompris de la gestion économique, il jette le masque et apparaît faillible et humain.

Simplement humain, au risque de s’attirer de vraies sympathies, chez les décideurs et les autres…

« Rosebud ! »

Auteurs Alain Bernard et William Lesourd

« Faits divers — La parabole du publicise et du hamster »

de Pascal Serre, aux édition Guillemets, 286 pages, 19 € 50
ISBN 978-2-9543441-0-2
AEN 9782954344102

Et dans les Inclassables récemment...


Les obsèques de Philippe Cornet - photos et vidéos

 Grande foule et vive émotion 2013 © William Lesourd

En toute logique, après avoir si longtemps séduit la foule avec sa joie de vivre, Philippe Cornet a réuni mercredi plus de 1500 personnes à Saint-Front pour ses funérailles.

Le public, ému, était éclectique : avocats en toge, préfet, boucher en chemise, élus et ex-élus de tous bords (de Bernard Cazeau à Paulette Labatut), bourgeoises en fine robe, copains en pull, ex-restaurateur des Eyzies qui recevait autrefois l’élu à sa table, fonctionnaires en costume ou amis des quartiers — ainsi celui de Vésone où il avait participé à la dernière fête.

[ voir notre reportage complet sur les obsèques de Philippe Cornet ]


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Commentaire de Anonymous Anonyme , le 11 août 2013 à 23:44  

LES INCLASSABLES EST UNE COLLECTION DE LIVRES DÉPOSÉE PAR MAURICE MELLIET; DONC S'ABSTENIR D'UTILISER CE TERME. MERCI

Commentaire de Blogger Périblog - William Lesourd , le 12 août 2013 à 07:59  

Inclassable est un mot commun et il est utilisé ici comme tel. Il ne s'agit pas que je sache d'une marque déposée. Donc, cette requête n'a pas lieu d'être -WL

 

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