Mimi Thieullent - La Ferme du Périgord : Qui-é-Qui périgordin lundi 24 juin 2013

QuiÉqui Chaque semaine retrouvez sur Périblog le Who's Who périgordin rédigé par Brett Christmann

Mimi Thieullent : De quoi en faire tout un fromage

Fraîche l'été, froide l'hiver, abandonnée toute l'année par le soleil, la rue Limogeanne artère commerçante du centre ville avait depuis des siècles trouvé sa vocation. C'était le réfrigérateur naturel de la cité, alors, elle abritait  logiquement les commerces alimentaires.  Grâce à sa situation, elle permettait ainsi de mieux conserver les denrées. Depuis, le tourisme estival lui a ajouté des couleurs, des commerces ludiques, précieux, sucrés, des  échoppes  de souvenirs, ils ont dénaturé sa fonction première, et  répondu  à d'autres exigences.  Il faut voir le long cortège des chalands venus du monde entier battre le pavé entre ces hôtels moyenâgeux. Des  commerces de bouche, il en reste peu, une boulangerie, une boucherie-charcuterie, et surtout l'imposante et coquette fromagerie de Mme Michelle Thieullent à l'enseigne de « la Ferme du périgord ».

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Michelle Mimi Thieullent dans sa fromagerie située au 9, rue Limogeanne à Périgueux 2013 © Brett Christmann - Périblog

Déjà la vitrine vous attrape. En dehors des conserves de rillettes de foie gras et de la profusion de magrets, il faut dire que Périgueux curieusement n'est  pas très riche en artisans accomplis, capables de mêler tradition et compétence et d'offrir sur leurs étals de magnifiques propositions de produits périssables. 

En pénétrant dans «  la Ferme du Périgord  », la proposition est alléchante : impeccable propreté, profusion de fromages ( plus de 200 sortes !). Une énorme évocation pastorale peinte par un artiste local, Jacques Pinchaud, aujourd'hui décédé, donne le ton. Le fumet est dense, raffiné , complexe. Vieilles barattes, vieux moules à beurre décorent la boutique.

Derrière le comptoir sous ses lunettes colorées, Madame Thieullent — Mimi pour tout ses amis — pratique encore le vrai métier de commerçant. Elle  accueille, conseille, commente et bichonne ses produits. Ses chambres froides sont imposantes, fonctionnelles et esthétiquement rétro. Elle connaît son sujet  sur le bout des doigts.  Commander,  choisir, acheminer, nettoyer, retourner, conserver, affiner ses fromages n'est pas de tout repos. Mais  c'est sa vie, sa passion. Mimi ne supporte pas l'à-peu-près, ce qu'elle fait, elle le fait bien.

Pourtant cette native de Périgueux a débuté sa carrière comme secrétaire de direction. Puis, elle consacra près de quinze ans à sa passion pour les chiens,  exploitant une boutique de toilettage intitulée «  Mon Caniche  ». Lorsque la boutique de la rue Limogeanne fut à vendre, son coup de foudre fut total pour ce lieu qui allait devenir une ambassade de l'épicurisme périgourdin. Elle s'installa, écouta, apprit encore et toujours, parcourut la France, se fit connaître à Rungis. Elle est maintenant une des personnalités les plus écoutées et les plus respectées au plan national en matière de fromage. Sa rigueur, son sérieux l'ont bardée de titres et de fonctions. La présidente des commerçants de la rue Limogeanne,  membre actif de l'office de tourisme de Périgueux du commerce et de l'artisanat, quitte parfois son paradis fromager pour se rendre aux nombreuses rencontres professionnelles dans lesquelles elle joue un rôle très apprécié. Elle anime de  sa passion les sérieuses  réunions, et offre son expertise à la prestigieuse institution chargée de décerner tous les deux ans le palmarès des Meilleurs Ouvriers de France section « fromagers ». Mais  rester, plus de deux jours loin de sa boutique la rend nostalgique et cafardeuse.

Cette petite femme au caractère bien trempé, débordante d'énergie est bien consciente d'avoir réussi sa vie. Pourtant au début tout n'a pas été drôle. Après avoir perdu son mari, elle connut une période très dure. Elle tint grâce à Charly son bouledogue français et à son métier en s'y investissant plus que jamais   pour y gravir les marches de l'excellence.

Cela fait maintenant 28 ans que Mimi réconcilie le Périgord et le fromage. En effet, c'est une des régions  françaises qui n'a pas (ou prou) de tradition fromagère — hormis le fameux « Trappe Échourgnac » (en non pas d'Échourgnac).  Elle me raconte avec gourmandise comment Périgueux fut longtemps envahie par les fromages hollandais. Alors que Bordeaux leur envoyait du vin, en retour les Bataves expédiaient leurs fromages qui étaient stockés dans les tonneaux vides. C'est ainsi qu'on vit apparaître les fameux  fromages à croûte rouge, colorés malgré eux par le tannin des tonneaux.

Alors que nous devisons, la boutique se remplit, les clients ou plutôt les amis, car ils sont presque tous appelés par leur prénom, viennent remplir leur cabas. Les jours du marché  sur le flanc de la halle, Mimi est présente proposant un délicieux étalage.

Avant de prendre congé, elle ne résiste pas à au plaisir de me conduire dans l'arrière-boutique pour me montrer dans un endroit discret ses spécialités périgourdines qu'elle affine et parfume selon un secret bien gardé. « Ils seront bientôt prêts... » Mais pas question d'en parler encore, elle en garde la primeur pour ses amis et clients.

Cette «  Ferme du Périgord  » représente toute sa vie, son travail est intense, les servitudes importantes, mais c'est le prix à payer pour atteindre cette qualité. Elle avoue fièrement que sans son fils Fabrice Chapront — qui la seconde depuis toujours — ce serait bien difficile. Elle rappelle avec malice : « Ici, on ne fait pas fortune, mais la vie est belle, et j'ai beaucoup d'amis ».

Auteur Brett Christmann

Mimi Thieullent - La Ferme du Périgord 2013 © Brett Christmann - Périblog

 

Et le portrait suivant dans qui-É-qui...

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Vincent Perez - L'Horloger de Saint Front

 

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