Guy Mandon - 1789 en Périgord lundi 25 juin 2012

Inlassable voyageur dans l’histoire du siècle des Lumières et de son issue révolutionnaire, Guy Mandon se refuse à une lecture dogmatique et instrumentalisée d’une partie de l’histoire de France et du Périgord. L’historien s’affranchit des clichés pour affronter une histoire qui ramène à l’actualité.

Sous-titrée « La Révolution et les chemins de la liberté » la traversée  qui va de l’été 1789 au printemps 1790 signifie que ces évènements élevés en héritage incontestable des hommes épris de liberté et de progrès ne peuvent avoir une seule et même lecture. D’autant plus en Périgord que Guy Mandon explore depuis trente ans avec une scrupuleuse minutie.

L’historien, ancien inspecteur général de l’Éducation nationale n’a jamais quitté cette époque dont il avait tiré, dés 1982, un premier ouvrage : La société Périgord au Siècle des lumières et qui traitait essentiellement du clergé paroissial.  

Un travail d’historien, de géographe, de sociologue et même de politologue

Guy Mandon, auteur
Guy Mandon © Pascal Serre

Guy Mandon a effectué un travail d’historien, de géographe, de sociologue et même de politologue. L’homme est dense, riche, protéiforme dans ses recherches pour savoir que tout est dans tout ; que rien de sérieux ne saurait tenir la controverse sans cette analyse holistique de l’histoire qui est la somme de toutes les autres sciences de la vie. Nous sommes au cœur d’une Révolution bien éloignée des clichés de La Bastille, de La fuite à Varennes ou encore de la doctrine révolutionnaire parisienne.

En Périgord, on a faim de pain mais aussi de liberté ; pas celle des intellectuelles, plutôt celle qui va donner une terre et des outils à un petit peuple ardent et industrieux. D’ailleurs, peu de châteaux furent brûlés et les violences contre les tenants de la Royauté plus mesurés. Ici, en Périgord on veut croire en son destin.

Le Périgord veut être reconnu, légitimité.


Les États généraux deviennent une sorte de boite de Pandore

De mai 1788 à mars 1789 c’est l’éveil des consciences. Certes, quelques ultras vont se manifester ; des nobles le plus souvent à Paris et peu disposés envers leurs provinces bien trop pauvres ; les curés tout dévoués à une autorité temporelle dont ils ne peuvent plus assurer le relais auprès de leurs ouailles : et puis, le Tiers-Etat, vaste maelström d’intérêts aussi communs que divergents.

Guy Mandon détaille ces événements avec force de détails mais aussi, et ce n’est pas là, le moindre intérêt de l’ouvrage, les émotions les plus diverses qui agitent les consciences. Les États généraux deviennent une sorte de boite de Pandore – celle qui fait sortir les présents des profondeurs.  Il y a cette lente et fébrile constitution des assemblées de campagne, leurs doléances. On va enfin parler, être écouter.

Mais, l’apprentissage rapide, brutale, sans repère,  de cette démocratie qui s’ignore se transforme en cacophonie.  Les Ordres s’éclatent entre eux pour un tout et pour un rien. Les incertitudes se multiplient et s’amplifient. La tension entre villes et campagnes durant la période qui va de avril à décembre 1789 se fait turbulente, puis violente. La peur s’installe, divise les politiques, fragilise un ordre déjà affaibli.  


Marie Antoinette ; Sicaire-André Migot ; Jean VIII Chrétien de Macheco de Prémeaux ; Charles de Talleyrand-Périgord ; la prise de la Bastille le 14 juillet 1789

L’autorité Royale, garante de grands équilibres régaliens n’est plus

Voici arrivé que le chemin de la liberté se fait pluriel, semé d’embûches. Guy Mandon a exhumé et déchiffré avec un regard qui, étonnamment, lâche rien sur cette époque mais la rapproche de notre destinée contemporaine. On sent que l’autorité Royale, garante de grands équilibres régaliens n’est plus ; que le peuple est livré à ses épurations sans que les prétendues élites de ce temps d’exception toutes disposées dans les délices des pouvoirs Parisiens et les nuages sombres venus de toute l’Europe n’est instaurées un pouvoir provincial déchu et abandonné.

« 1789 en Périgord. La Révolution et les chemins de la liberté » – Guy Mandon – Editions Sud-Ouest

Dés lors, le temps des exactions est arrivé. Et là encore, Guy Mandon, ne néglige pas cette géographie naturelle et familiales qui conditionnent beaucoup de situations.

Par exemple, dès la prise de la Bastille, le Conseil des communes, à Périgueux, chercha à constituer, sous la houlette de Pierre-Éléonor Pipaud des Granges, un réseau de communes capables de prendre en main leur destin.

Au sud, au contraire, les villes édifièrent, en particulier sous l’inspiration de Maleville, une confédération destinée à protéger les acquis de l’été 1789 d’une agitation paysanne désordonnée, sans parvenir à empêcher le grand mouvement d’émancipation rurale qui parcourut le Sarladais en janvier 1790.

Et ailleurs, partout ailleurs, ce fut une décomposition disparate de toute une société.

Vers une nouvelle définition de La Révolution

N’oublions pas que Guy Mandon, un temps, maire-adjoint de Périgueux a éprouvé l’exercice du pouvoir politique, ses délices et ses poisons. Sa conclusion en est d’autant plus riche pour mieux comprendre, aujourd’hui, comment peuple et élites cherchent toujours « leurs chemins vers la liberté ».

La définition de Révolution étant, dans cette plongée sans concession mais avec un certaine attachement à la nature humaine, renouvelée.

Auteur : Pascal SERRE



« 1789 en Périgord. La Révolution et les chemins de la liberté »

de Guy Mandon – Editions Sud-Ouest – 412 pages – 24,90 €


Pensée de la semaine

Stanislaw Jerzy Lec, écrivain« En histoire, même les faits non accomplis comptent »
Stanislaw Jerzy Lec (1909-1966), écrivain polonais.



Stanislaw Jerzy Lec sur Wikipédia : http://goo.gl/o6Ej9



La rubrique que voici est nommée « Lecture pour tous » en hommage à Pierre Desgraupes (originaire de Mensignac en Dordogne) qui créa, en 1953, sous ce nom la première émission de télévision dédiée à la lecture.


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