Guy Penaud - De Gaulle Pétain - l'affrontement lundi 5 mars 2012

Au travers de Philippe Pétain et de Charles de Gaulle, amis de circonstances, opposés dans leur conception de la France, brisés par une défaite presque attendue et désirée par le premier, combattu dans la plus grande solitude et la foi la plus invulnérable par le second. Quarante-cinq jours qui brisèrent une amitié et reconstruire la France.

De Gaulle-Pétain : Victoire contre défaite, gloire contre naufrage

Pétain, De Gaulle… Quels personnages, quelles destinées aussi étonnantes que controversées. Alors que De Gaulle était rejeté de la communauté nationale pour en porter les valeurs les plus républicaines et une vision toujours trop élevée pour que le vulgaire s'y attache, Pétain, porté déjà par les intrigues  de certains milieux aux intérêts économiques et politiques avec la machine totalitaire nazie, vieillard cacochyme et falot mais animée d'un orgueil démesuré a été l'instrument d'une chronique de la défaite annoncée. A lire le remarquable ouvrage de Annie Lacroiz-Riz – Le choix d'une défaite, les élites françaises dans les années 30.

Dans la longue histoire de la France, d'autres grands personnages furent admirés, mais aucun sans doute n'a été plus aimé avant d'être tant dénigré que ce vieux Maréchal que l'on ne saurait affubler de sénilité. Les deux hommes composent incontestablement une tragédie grecque. L'historien Frédéric Salat-Baroux évoque la vérité tragique de ces destins : Vincent Mahé s'arrête sur la Vérité tragique de l'immobilisme qui saisit parfois les institutions : l'on apprendra beaucoup au spectacle de cette classe politique des années 1930, dominée par l'impossibilité de « convaincre un peuple qui ne veut de la guerre à aucun prix de réarmer ».

La rencontre entre un mythe  et un opportuniste ambitieux

En ouvrant le livre de Guy Penaud, je suis d'abord parti à la pêche aux anecdotes. Je n'ai pas été déçu. Le récit progresse à toute vitesse et fourmille de ces histoires que l'on découvre ou redécouvre avec un mélange de surprise et d'évidence, tant elles sont révélatrices. Au fil des pages se dessinent des destins contrariés, des incompréhensions et, surtout, un mythe – de Gaulle – et un ambitieux, pleutre, raciste et opportuniste – Pétain. Généralement l'historien ne juge pas ; c'est le cas de Guy Penaud. Mais l'auteur nous livre assez de ses recherches, nouvelles et analyses parfois trop sommaire par prudence, humilité ou tolérance sur l'insondable nature humaine.

De Gaulle contrariait le complot défaitiste d'une élite capitularde


Guy Penaud © Pascal Serre
Alors qu'à 15 ans,  Charles de Gaulle dans Campagne d'Allemagne, rédigeait un texte de fiction où il sauvait la France de l'envahisseur, général à la tête d'une armée de 200 000 hommes. Philippe Pétain gagnait Verdun et devenait maréchal, mais ne sut jamais aligner assez de phrases pour faire un livre. De Gaulle fut son nègre. C'est d'ailleurs ainsi que commença leur querelle. Par une histoire de nègre rebelle, de Gaulle. Le futur commandeur refusa de rester anonyme derrière son auteur, Pétain. Peu d'hommes ont incarné à ce point l'opposition des destins : la Résistance, Londres, le gaullisme face à la collaboration, Vichy, le pétainisme. Comme des archétypes de l'honneur et du déshonneur. Victoire contre défaite, gloire contre naufrage.

Guy Penaud, au delà de l'histoire déployée avec force de documentation ne manque pas de nous éclairer plus ardemment sur la bataille idéologique majeure – la plus forte, importante et brutale – qui sous-tend ces cinq années où le tragique des hommes se retrouvent dans celui des peuples.

Cette période de quarante-cinq jours  balisée par l'auteur est historiquement incontestablement. Elle est le prélude à la geste gaullienne salvatrice d'une nation en débandade, proche de la chute de l'Empire Romain ou de celui de Constantinople. La nomination du général de Gaulle au grade de général de brigade à titre temporaire date du 1er juin 1940 ; il est nommé  sous-secrétaire d'Etat à la Défense nationale le 6 juin ; il en sera destitué le 16 juin suivant par sa hauteur de vue, ses positions intransigeantes qui contrariaient sérieusement les « complot défaitiste » engagé. C'est pourtant, selon Marc Ferro «  que durant cette dizaine de jours que s'est jouée le destin de la France ». Eric Roussel, biographe du général, partage cette analyse mais ne s'étend nullement sur les divergences de caractères voir familiales entre les deux hommes que furent Pétain et de Gaulle. Oserions-nous cette paraphrase tirée d'un récent débat politique : De Gaulle disant à Pétain : « si je suis l'homme du passé, vous êtes l'homme du passif… »


Au delà du livre d'historien, se refusant comme il l'a toujours fait à interpréter et instrumentaliser, Guy Penaud  associe les faits et leurs acteurs avec un ordonnancement particulièrement clair, concis, laissant aux  lecteurs leurs propres appréciations. La lecture est toujours sans concession dans les évènements, leurs précisions et enchaînements,  sobre, accessible dans sa présentation.

Auteur : Pascal SERRE


« De Gaulle-Pétain : l’affrontement du printemps 1940 »

Guy Penaud, 338 pages - L’Harmattan – 35 €.

Pensée de la semaine

Jean Guéhenno« Un livre est un outil de liberté »
Jean Guéhenno (1890-1978)

Citation extraite des Carnets du vieil écrivain.
sur Wikipédia : http://goo.gl/pFOVk

La rubrique que voici est nommée « Lecture pour tous » en hommage à Pierre Desgraupes (originaire de Mensignac en Dordogne) qui créa, en 1953, sous ce nom la première émission de télévision dédiée à la lecture.


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