La controverse de Montaigne lundi 16 mai 2011
Le cancan du Coderc est une chronique hebdomadaire sur la place du Coderc et ses personalités à Périgueux, rédigée par le journaliste Pascal Serre :
En ce samedi de mai le soleil s’est offert une pause. Le temps est gris, presque décoloré. Mais les factionnaires de l’information ont respecté leur rendez-vous hebdomadaire. Notre salle de rédaction ? Le bar du Coderc. Chez feu le curé Rince-goulot. Les journalistes aux tempes grisonnantes épèlent leurs sujets du jour et font un arrêt sur la « controverse de Montaigne » ou l’épineuse question de l’avenir du commerce de centre ville.
La convocation adressée la veille par téléphone donnait le bar du Coderc comme Salle de rédaction. Sur mes cinq informateurs zélés, véritables James Bond de la locale, quatre m’avaient assuré de leur présence. Jean-Paul toujours fier de s’afficher de l’ancienne commune de Saint-Martin n’a pas pu se joindre à nous car il avait entrepris de nettoyer son petit jardin : confiait-il avec une pointe de regret qui rappelle le petit garçon à qui les parents ont supprimé la sortie du samedi.
Neuf heures. C’est René qui arrive avec sa casquette qu’il dépose sur la table où je suis déjà installé. Aussitôt, sortant de la rue qui fait angle de la halle et de la rue des Chaînes se dessine un petit groupe composé d'Alain, Christian, Bernard qui semblent avoir déjà bien engagé les échanges au vu des grands gestes habituels qui signalent ici un agora itinérant. On se salue, on se congratule, on cherche un siège, on pose les premières emplettes en veillant que rien ne gêne. Ils sont enfin assis. Ce seront des cafés bien serrés qui accompagneront nos propos de comptoir.
Le feuilleton de la place Montaigne couleur sépia
lance Alain notre commerçant retraité mais qui n’a rien perdu de sa verve. répondent en chœur les trois associés présents : Bernard, Christian et René. Et Alain de relancer :
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Paul Mora, créateur du Grand Café de Paris | Henry Deluc, Vice-Président de la CCI de Périgueux en 1950 |
Christian du haut de ses quatre-vingt-six printemps assène :
Bernard qui était agent municipal dans les années soixante : René, venu de son Toulon acquiesce :
« Je ne peux pas ouvrir les rideaux des commerçants à leur place »
J’écoute ces nostalgies bien vivantes et, peut-être, pas si éloignées de la réponse à la « sinistrose commerciale » qui s’est emparée de la génération actuelle. Je me remémore ce qu'Yves Guéna m’avait lâché en 1977 : Cruel mais évident. Je poursuis ma prise de note qui a du mal à suivre les échauffourées amicales qui pourraient apparaître comme cafardeuses si ce n’était l’étonnante vigueur de mes hôtes. Ils sont non seulement la vox populi mais aussi la mémoire sur laquelle tous les enseignements devraient s’appuyer.
Alain, toujours ouvert au monde coupe tout le monde : Silence accompagné d’un élan général vers la tasse de café qui a cessé de fumer, épuisée d’attendre que l’on daigne lui donner la première place.
« Moi, j’ai toujours entendu les commerçants se plaindre »
René saisit le moment pour se lancer : Alain s’insurge : Bernard renchérit : Alain hausse le temps et décharge sa mauvaise humeur : .
Si Jeannette m’était contée…

14/05/2011 © Pascal Serre
Il me faut force de diplomatie pour que le ton baisse et les esprits s’adoucissent : A ce moment précis passe Jeannette Défigeas dont l’âge n’a en rien affaibli l’ardeur et la mémoire : Et notre Jeannette de s’installer : Et moi de répondre : .
Jeannette : Et son café avalé de se reprendre :
René embraye : Bernard : Jeannette :
« Si le commerce va mal c’est qu’on peut pas stationner et les gens n’ont pas d’argent dans le porte-monnaie »
Alain qui connaît bien Jeannette : Celle-ci se prend la tête et d’une voix sans pareille : .
Christian prend le relais : Bernard et René se télescopent. René prend le dessus ce qui permet à Bernard de commander une autre tournée de cafés.
« Cette galerie marchande se fera si les commerçants ne se montrent pas dynamiques »
René, notre cheminot : Christian coupe sèchement l’élan de Bernard : Alain se faufile entre deux flots de paroles : Jeannette secoue la tête en signe d’approbation et absorbe son café.
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Couverture du Premier circuit automobile et motocycliste de vitesse à Périgueux, les 23 et 24 septembre 1950 | Couverture du programme de la VXIIe semaine du Périgord, à Périgueux, du 22 au 30 mai 1948 |
Les mousquetaires de la vie périgourdine ont tous tiré leurs épées du fourreau et croisent déjà le fer comme au temps de Richelieu. Ce n’est qu’un enchevêtrement de paroles, un flot insatiable et ininterrompu de vérités sentencieuses sur la controverse du moment : celle du oui ou du non à la galerie marchande sur cette place dédiée au sage Montaigne. Je suis désemparé et je crains à chaque instant la mobilisation générale même si je constate une guerre de tranchées bel et bien déclenchée. N’arrivant pas à tempérer les débats, je me lève et faisant mine de partir déclenche un arrêt immédiat des hostilités : me disent-ils en chœur et la voix éraillée. Je me rassois et leur dit que tout ceci mérite une séance de rattrapage la semaine prochaine. Les compères en conviennent et me serrent la main m’enjoignant d’être plus modéré qu’eux dans mon exhibition journalistique.
Auteur : Pascal SERRE(1) Jean Gaillard (1920-2000). Président de la CCI de Périgueux de 1974 à 1985.
(2) Christian Rouleau : Membre du Conseil Interprofessionnel du bois, membre de la CCI de Périgueux. Ancien élu de la CCI de Périgueux dans les années cinquante et soixante.
(3) Henry Deluc : Ancien Vice-président de la CCI de Périgueux. Concessionnaire exclusif des Automobiles Renault, 13 rue des Jacobins jusque à la fin des années soixante.
(4) Le Cabinet d'assurances d'Henri Mailhes se situait au dessus de « La Maison de la Presse », place Bugeaud.
(5) Ce magasin de cycles se situait cours Fénelon où se trouve aujourd’hui une entreprise funéraire.
(6) Nouvellement « Garden Ice Café ». C’était un lieu majeur de la vie Périgourdine : café, théâtre, dancing, sièges du CAP de l’UST, du CCP et qui servait de lieu de réunion politiques autant que de combats de catch
(7) René Benoit-Gonin : Opticien diplômé d’Etat de l’école national d’optique tenait commerce 15 rue de la République et fut membre de la CCI de Périgueux dans les années cinquante et soixante.
(8) Jean Lagarde (1905-1977) : Résistant, fondateur de l’Union Gaulliste en Dordogne, conseiller municipal de Périgueux entre 1947 et 1965. Il fut le premier à recevoir Yves Guéna et le guider dans sa première campagne en 1962.
(9) Le bar des cinémas : 15 Rue Gambetta, prés du cinéma Rex disparu à la fin des années soixante-dix.
(10) Le 13 juin 1944, cinq jeunes résistants arrêtés à Mareuil-sur-Belle, transférés et torturés par la Gestapo à Périgueux sont amenés place Montaigne vers 23 heures. Ils y sont fusillés devant une population terrorisée.
(11) Le Colonial, nigth club situé rue Chancelier d’Hôpital (aujourd’hui La Régence). C’était un établissement très fréquenté par la jeunesse de Périgueux et les militaires américains installés au « Camp américain » de Coulounieix-Chamiers.
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A Périgueux, dans le centre Ville, les commerçants ne respectent pas toujours le "client"! De plus, le commerce a changé totalement; pourquoi pas une galerie marchande place Montaigne! Il faut évoluer avec son époque, mais ce n'est pas toujours le cas à Périgueux!
Bravo plutôt dix fois qu'une. Quelle merveilleuse page de nostalgie et d'actualité. J'ai pas connu le Périgueux de ces messieurs car j'ai 40 ans mais mes parents m'en ont parlé comme eux.Le commerce va mal ? C'est pas la faute au maire mais bel et bien l'affaire des commerçants et faut reconnaitre ils sont pas toujours trés... commerçants
Entre les PV et les commerçants qui s'endorment sur leurs divisions et qui se plaignent dés que l'on ouvre la porte moi je vais ailleurs. Et Moyrand n'y est pour rien.
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Merci par avance, W
Commerçant à Périgueux depuis maintenant 5 ans, ouvert du matin au soir 7/7, certains commentaires parfois un peu "passéistes" m'amusent et certains lieux-communs m'agacent... "Les commerçants se plaignent toujours", qui ne l'a pas répété à l'envie. "Avant c'était mieux", sauf qu'avant il n'y avait pas la concurrence effroyable actuelle, il n'y avait pas les tombereaux de charges qui plombent les exercices financiers de ces commerçants "qui se plaignent toujours". Je déplore que les mêmes qui se plaignent des commerces de centre-ville soient aussi les premiers à se précipiter en périphérie dans les grandes surfaces ou à aller à Bordeaux "parce que c'est mieux".
Manque de place de parking ? Foutaise, il y en a à revendre et bien moins chères que partout ailleurs en Aquitaine et surtout qu'à Bordeaux. La crise économique ? Certes mais pourquoi les chiffres d'affaires des grandes enseignes continuent de croître plus vite que le pouvoir d'achat ?
La où je suis d'accord, c'est dans l'implication des commerçants. Il est clair que nous devons repenser nos modes de fonctionnement et ouvrir par exemple dans des horaires susceptibles de séduire les consommateurs de centre-ville, entre midi et deux, le soir jusqu'à 20.00 par exemple.
Enfin, comme je l'ai écrit et dit par ailleurs, même si je ne suis pas contre un projet sur Montaigne, je crois plus à la réhabilitation de la rue Saint Front en "poumon" piéton de Périgueux et en une réappropriation des berges de l'Isle au moins aux pieds de la vieille ville.
Monsieur Cros est très impliqué dans la vie Périgourdine et il a raison mais il est bien seul. C'est un bon commerçant qui anime la ville. Pourquoi le maire ne l'écoute pas plus ?
Il est certain qu'un rare bon sens prévaut chez Jeff Cros. On ne peut qu’espérer un jour voir quelqu'un de sa trempe prendre réellement en charge tous ces sujets épineux. W
La politique c'est comme la coke et les filles de joie....
ont les quittent, on en parlent, on y re-goûtent avec déléctation et plaisir...puis on fini par replonger sans se soucier des grandes promesses et voeux pieux de nouvelle an et y retourne avec les mêmes vices d'antan...
Jamais essayé la coke, mais ça m'a l'air (presque) bien... En tous cas, à ne pas essayer ou alors avec beaucoup, mais alors là vraiment, beaucoup de moderation. W