Hollande à Périgueux - Le petit théâtre de la vie mardi 31 mai 2011

Le cancan du Coderc est une chronique hebdomadaire dont le sujet est la place du Coderc à Périgueux et ses people, rédigée par le journaliste Pascal Serre :

Ultime fin de semaine de ce mois de mai si brûlant. Entre les agitations nocturnes qui frappent la ville et la venue d’un candidat à la présidence de la République, notre assemblée populaire associe la sérénité au sérieux.

Phébus de notre quinconce aux clabauderies géographiques masquées, la disposition de ce dernier samedi de mai, le Coderc, par la fraîcheur matinale expirant, délivre son manuel des bavardages fortifiant.

C’est chez Pascal Mesmin, au bar de La truffe que nous avons convenu de nous rejoindre. Il est encore de bonne heure et le firmament incertain. La clientèle est presque essentiellement composée des producteurs, marchands et négociants qui se sont emparés de notre terrain de manœuvre et lorgnent sur les premiers clients apparaissant aux issues de la place. Ce sont, pour la plupart, les restaurateurs qui savent que le bon goût prescrit de se lever tôt. Mais très vite, les habitués se faufilent entre les chalands, cabas à la main et la notabilité bien assise.

Nous voici installés le long de la vitrine du troquet, face aux chalands, à tribord de notre embarcation, un peu serrés autour d’une table circulaire sur laquelle, avec hâte, le serveur consignera nos cafés aux arômes toniques. Hier soir, chacun semblait épuisé par la chaleur et soupirait à l’idée de nos retrouvailles matinales. Mais, la flamme allumée par la venue de François Hollande imposait que le Coderc engendre quelques échanges non exempts d’affrontements.

Des chuchotements nous parviennent : notre bonne cité aurait connu une nouvelle nuit agitée, alcool, drogue, une jeunesse fugueuse et désorientée ici, violence dans une boite de nuit par ailleurs, enfin deux élèves gardiens de la paix frappés. Ces annonces parcourent l’estaminet et se propagent d’étal en étal. Signes de temps troubles qui soulèvent un souffle amplifié de réprobation, de consternation. Et puis, voici Périgueux proche de l’état de siège et des controverses habituelles.

La bande des quatre — René, Jean-Paul, Christian et Bernard — soupire, un zeste désabusé. Tout ceci contrarie notre prise de contact et le silence accompagne notre première lampée de café encore fumant. L’humeur se fait plus sombre et l’exaltation habituelle subit la tempérance des hommes raisonnables.
Grande messe avec des milliers de fidèles qui attendent le miracle et la béatification 26/05/2011 © Pascal Serre

Qui est allé voir Hollande ?

@ Pascal SerreChristian, le plus ancien, se risque à aborder la venue de François Hollande, l’avant-veille à La Filature de l'Isle : « Qui est allé au meeting ? »
René et Bernard opinent de la tête tout en répondant qu’ils s’y sont rendus. « Moi aussi » dis-je. Jean-Paul désavoue ces grandes messes qui n’ont pour but que de séduire.
- La politique ? C’est le commerce des urnes !
Incontinent, notre petite assemblée se dresse et multiplie les commérages. Ouf ! Voici mes compères revenus à leur état ordinaire.
- Moyrand a réussi un bon coup ! assène Bernard qui s’avoue socialiste mais en proie, avec le temps, à la modération.
- J’ai retrouvé l’ambiance que j’ai connue dans le passé lors des grands meetings qui se tenaient autrefois à la Salle du Toulon.
René part dans la nostalgie de la vieille SFIO des années passées et raconte combien en ces temps reculés le militantisme était une affaire sérieuse. Il reprend.
- J’ai connu les réunions politiques du Casino de Paris. C’était autre chose car elles étaient contradictoires et l’adversaire venait vaillamment, accompagné de quelques sbires porter la contestation. Il y avait de la houle dans l’air ! Jeudi soir c’était une salle comble toute acquise à son leader. Une sorte de spectacle politique où on repart avec les mêmes certitudes qu’à l’arrivée.
François Hollande et Michel Moyrand une relation née dans les combats face à Xavier Darcos en 2001 et 2008 26/05/2011 © Pascal Serre
François Hollande. Un bain de foule volontaire qui s’inspire à la fois de Jacques Chirac et François Mitterrand 26/05/2011 © Pascal Serre

L’invitation au Coderc

Christian, l’esprit fripon regrette que le candidat socialiste n’ait pu venir priser l’air du Coderc.
- Je le trouve plutôt honnête même si je n’ai pas toujours trouvé le personnage marrant. Il paraît qu’il a dit qu’il reviendrait à Périgueux même s'il est président ! Nous l’attendons de pied ferme, ici même, sur le Coderc. Vous imaginez un président de la République dans notre assemblée ?!

À ce moment passe Jean-Jacques Dallemand que nous admettons comme maire de notre commune libre du Coderc. Celui-ci, nous saluant, accepte de ceindre à cette occasion sa future écharpe tricolore encore chez la couturière.
- Pourvu que ce soit durant la saison des huîtres, il les partagera avec nous ! lance Jean-Paul.
Bernard encore sous le charme de « son candidat » entame son peccavi et relance la discussion avec une certaine constance.
- D’accord, j’ai voté Mitterrand et même… Moyrand. Il faut bien choisir. Moi, je suis fidèle à mes idées et je vote pour celui qui est le plus proche de celles-ci. Comme toujours, on est soumis à des désillusions. Ce n’est pas pour autant que je change mon fusil d’épaule.

Pendant que chacun échange ses impressions je me remémore cette soirée, délaissant mes notes, mon esprit s’égare sur mes impressions de cette soirée. La grande famille socialiste est apparue le temps d’une soirée réconciliée, portée par un élan généreux comme la gauche sait les entretenir. Le grand ordonnateur de cette cérémonie, Michel Moyrand, s’est efforcé de s’affranchir des déceptions et malentendus d’une vie politique désordonnée et désorientée d'un peuple que les médias entretiennent dans les soupentes d’une démocratie malmenée. À ses côtés, Bernard Cazeau, zélateur de Dominique Strauss-Kahn semblait réservé et en retrait. Quoi de plus normal ! Quand à la salle, effectivement toute acquise — ou presque — elle n’avait de cesse d’applaudir non aux idées mais aux piques du candidat Hollande. En ce domaine, le prétendant à la magistrature suprême de notre pays se fit modéré. Je retrouvais en cette posture quelques tonalités mitterrandiennes choisies.

- Eh ! tu es où ?
Bernard vient de me rappeler à l’ordre sous le regard amusé de ses camarades. Je replonge dans leurs débats pour comprendre que les règles de la vie politique ne sont vraisemblablement pas les mêmes que celles de l’honorable roture que nous sommes.

Les tasses de café sont vides. La place est désormais triomphalement acclamée par ses pèlerins du samedi. Un brouhaha fiévreux et soutenu a envahi notre tablée nous réduisant au silence. Nous voici revenu à une réalité qui accorde les ardeurs et nous éloigne des turpitudes électorales.

Christian trouve la bonne formule, du moins nous y souscrivons de concert :
- Ne brûlons pas nos esprits sur ce qui nous échappe et gardons fidèle notre assemblée.

Le rideau est descendu. Chacun regagne sa coulisse, lieu discret situé derrière son petit théâtre. Pourtant, le spectacle continu. Nous voici redevenu spectateur. C’est bien là notre meilleure place.
Auteur : Pascal SERRE

Les vidéos

Vidéos sur France 3 Aquitaine → et une autre ci-dessous publiée par BFMTV.com


François Hollande en campagne à Périgueux le 26 mai 2011 pour la présidentielle de 2012. Il a rencontré les électeurs, Michel Moyrand maire de la ville et d'autres élus socialistes de la région 26/05/2011 © BFMTV.COM

Pascal Serre, journaliste périgourdin, est membre de :
  • Institut Montaigne (Paris)
  • Fondation Terra Nova (Paris)
  • Fondation de la France Libre (Paris)

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Commentaire de Anonymous Bonnal , le 1 juin 2011 à 11:07  

Faire des promesses c'est bien! Mais la spécialité des socialistes c'est de vider les caisses! On en a marre des hommes politiques! Tous les mêmes....

Commentaire de Anonymous Marcel , le 1 juin 2011 à 15:58  

...sident ! Bonnal Président ! Bonnal Président ! Bonnal Présid...

Commentaire de Anonymous Philippe , le 1 juin 2011 à 19:59  

C'est bien vrai cher Bonnal... Tous pourris... Votre sens de l'analyse et de la concision quant il s'agit d'analyser la vie politique française est sans appel, franche et mesurée. N'oublions pas que les autres spécialités des socialistes sont : contaminer le sang, protéger d'anciens collabos, réduire le temps de travail, abolir la peine de mort, donner des droits à ces salauds de prolos, être à l'origine du réchauffement climatique et en ce moment, être les responsables du printemps le plus sec depuis 1900. Méchants socialistes... :-)

Commentaire de Anonymous Philippe , le 1 juin 2011 à 20:02  

Cher Pascal Serre,

Vous revoici à converser sur notre pauvre commerce local. Tiens au fait, cela fait maintenant quelques temps que le Super U a ouvert à Notre Dame de Sanilhac. Mais si, souvenez-vous, le Super U, vous savez, ce supermarché qui d'après un de vos précédents billets devait entraîner la mort des commerces de St Georges... Et bien, vous allez rire, mais ces commerces sont toujours là et pire, d'autres ouvrent.... Ahh ces commerçants, que ne vous écoutent-ils pas ces suicidaires en puissance....

Commentaire de Anonymous Christine , le 2 juin 2011 à 16:09  

oui c'est du théatre de basse-cour où l'on convie le peuple médusé à une grande messe laïque un peu comme Louis XIV conviait à Versailles pour mieux tenir ses ouailles. Rien n'a changé ! Monarchie ou République tout ceci n'est q'une façon à certains de diriger les autres.

Commentaire de Anonymous Anonyme , le 4 juin 2011 à 01:21  

Belle chronique d'une désillusion annoncée. Allons-nous vivre un remake de 1981 ? Evidemment, la gauche a toujours fini par se coucher devant l'argent et le pouvoir. Corrompue dans ses idées et ses actes, la gauche trahi ses électeurs et les abandonne aux extrêmes. Et pourtant on va faire comme si on y croyait hein monsieur Hollande ?

 

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