Sécurité ou tranquilité mercredi 24 novembre 2010

Au fil de l'Isle Chaque semaine retrouvez sur Périblog l’humeur de la semaine par Pascal Serre | Voici le billet de cette semaine :


On ne le dira jamais assez : vivre ensemble n’est pas une sinécure. Vaste débat vite asséné aux élus périgourdins qui doivent faire le grand écart pour tempérer les ardeurs des uns et les velléités des autres. Faute de se parler, de s‘écouter les administrés renvoient sur la classe politique leur indigence.

Conflit de génération pourrait-on dire. Dans Jamädhlavie, Guy Ménard, sociologue à l'Université de Québec nous livre : « Dix-huit ans. À cet âge, c’est plutôt le bonheur et la tranquillité qui ont tendance à paraître inconciliables ». L’âge n’étant pas seulement celui des artères mais aussi celui de la tête.

Or, à Périgueux, la majorité des habitants assise sur ses acquis aspire à un calme qui contrarie les comportements d’une minorité, plus jeune, plus encline à une vie nocturne délaissée par les plus anciens. Il ne faut pas oublier les incontournables trublions toujours prompts à se différencier sans pour autant s’afficher comme des délinquants ou des perturbateurs professionnels.

On se rappelle les médiatiques chamailleries entre les riverains et les bars de la place de la vertu, l’été dernier. Ce sont désormais les habitants du quartier Saint-Martin qui se plaignent des nuisances sonores provoquées par la discothèque l’Ubu. D’autres ne manqueront pas de raisons de se ranger sous la bannière de la réaction sécuritaire qui se refuse au dialogue par défaut. Je me garderai de statuer sur ces tracasseries vraisemblablement justifiées. Question de sensibilité.

Michel Moyrand sera-t-il entendu ?

Michel Moyrand, décidément bien campé dans sa toge de premier édile de Périgueux a pris les choses en main. Il a annoncé, pour début 2011, l’organisation d'assises de la... « tranquillité publique». De même, la création d’une brigade de policiers adaptée aux fins de nuit est judicieuse même s'il faut attendre d’avoir plus d’informations.

Si on regarde la définition de la tranquillité cela donne : état de ce qui est tranquille. Cet exercice de sémantique auquel le maire de Périgueux nous invite n’est pas neutre. Il est même fondamental. Nous passons ainsi du débat de la sécurité à celui du droit de chacune et chacun à être tranquille. Un déplacement culturel et politique qui s’oppose à la tentation sécuritaire de notre époque. Subtile approche mais qui, dans l’esprit du Périgourdin ne sera peut être pas entendue.

Tout est question de bonne volonté

On peut imaginer, en complément de la police municipale, une approche préventive de la tranquillité publique par des médiateurs de proximité qui permettent de nouer un dialogue entre les habitants. Car, au fond, tout est question de communication et de compréhension. Il est clair que le chemin ainsi sollicité entre chaque partie prenante impose une bonne volonté commune et réciproque.

La répression est l’ultime moyen qui rompt par ailleurs la cohabitation, qui devrait être tolérante et conviviale. Il est toujours bon de conjuguer les différences, de les polir, de les enrichir et de trouver un juste équilibre. L’expression du droit devrait céder la place à celui de la responsabilité. Question d’harmonie.

Je concède que l’exercice est périlleux et astreignant.

Rien de définitif ne peut sortir de la contrainte. La contrainte n’est pas synonyme d’ordre. Elle peut même générer des désordres plus forts ou plus pervers. Cette dernière entretient les rancœurs et la violence exprimées sous toutes ses formes.

Périgueux : la belle endormie ?

Je ne puis qu’associer à ce phénomène de repli la récente annonce de fermeture de l’Épicerie de nuit de la rue des mobiles. Si la créatrice de ce véritable service social souligne qu’elle ferme pour des raisons de fatigue elle rajoute néanmoins : « je n’oublie pas les désagréments causés par des vols, une agression et un courrier de la mairie relevant que mes clients faisaient du tapage nocturne… ».

Héléna la gérante de l'Épicerie de nuit
novembre 2010 © Arnaud Loth SO
L’association de la rue des mobiles où se situe l’épicerie cesse son activité. Raison ? Les gens ont voulu que ça bouge. Maintenant ça bouge trop.

La fermeture de la station d’essence du cours Fénelon qui fut aussi un lieu de sociabilisation est encore un exemple d’une société qui retourne progressivement aux temps barbares chers à Jacques Attali. On pourrait multiplier les raisons de cette mise en berne de la nuit et de l’activation d’une fracture qui impose le repli, la peur et la réaction.

Les animateurs d’association, dans les quartiers, se font les échos des conflits à étouffer dans l’œuf. Pour ceux-ci, l’incivilité et le communautarisme dans sa plus large expression(1) entretiennent ce phénomène. Il y a là un besoin impérieux de revenir à ce fameux dialogue.

Il y a quelques années, je me rappelle, on demandait avec ironie : « Savez-vous pourquoi Périgueux accueille le Festival du Mime ? ». Et de répondre : « Parce que ça ne fait pas de bruit… ». N’appelait-on pas Périgueux « La belle endormie » ? Aïe, j’ai mis le doigt où ça fait mal !

Je m’arrête et pose la question : Périgueux doit-elle être une ville à pensée unique ou une cité mosaïque colorée et respectueuse des différences de chacun ?
C’est, peut être la première question à poser pour ces futures Assises de la tranquillité.
Auteur : Pascal SERRE

(1): Du latin "communis", communauté, lui-même issu de cum, avec, ensemble et de munus, charge, dette: charges partagées, obligations mutuelles. Le terme communautarisme est un néologisme apparu dans les années 1980, en référence aux revendications de certaines minorités d'Amérique du Nord (indiens, noirs, québécois français).
Nuit d’automne sur le boulevard Michel de Montaigne à Périgueux novembre 2010 © Pascal Serre

Pascal est membre de :
  • Institut Montaigne (Paris)
  • Fondation Terra Nova (Paris)
  • Fondation de la France Libre (Paris)

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