Flirt avec les damnés dimanche 28 novembre 2010

Au fil de l'Isle Chaque semaine retrouvez sur Périblog l’humeur de la semaine par Pascal Serre | Voici le billet de cette semaine :


« L'irréparable existe, mais tout n’est pas perdu ». Dixit le Périgordin Léon Bloy (1). Avec le froid, la neige, les projectiles sur les bus et la précarité qui s’impose, cette fin de semaine annonciatrice du mois des fêtes de fin d’année, me voici perclus d’inquiétude, de sollicitude indisposante. Pourtant la ville s’illumine et les sapins trônent.

Les chalets du cœur dans le quartier du Toulon, capables de loger 22 personnes (composez le 115 si vous apercevez une personne en difficulté)28 novembre 2010 © Pascal Serre
Ce week-end, alors que la température descendait, la neige tombait, Météo France a mis notre département en vigilance orange. C’est bien. Ce qui l’est moins c’est l’absence totale de prévention pour les plus démunis caractérisée par les 22 bungalows des chalets du cœur situés dans le quartier du Toulon qui sont toujours fermés. Outre la localisation qui est digne de l’exclusion des pestiférés au Moyen Âge on ne peut qu’être en colère contre cette situation administrative qui affiche un mois de retard. Il y a là une sorte de mépris des damnés. Ce n’est pas bien.

Michel Moyrand a annoncé des Assises de la tranquillité. C’est parfait. En réponse, mercredi soir, au Gour de l’Arche, la vitre d’un bus volait en éclats sous les projectiles lancés par quatre jeunes. Depuis quelques jours, à l’initiative de la Communauté d'agglomération périgourdine, Claude Bérit-Débat son président annonçait que les policiers nationaux et municipaux voyageraient gratuitement, en civil ou en uniforme assurant ainsi une surveillance citoyenne. La préfecture a donné son aval. Ouf !

Plus inquiétant est le non-renouvellement des contrats aidés annoncé par la préfecture de région. Là encore, les élus de l’agglomération se sont mis en ordre de bataille. Le maire de Chancelade, Michel Testut, n’a pas manqué de dire que « cela ajoute de la précarité à la précarité ». Claude Bérit-Débat s’insurgeant en ces termes : « C’est une situation dramatique d’un point de vue humain ». Bon, et maintenant on fait quoi ? Les politiques sont aussi parfois des damnés du peuple. Qu’on se le dise !

Stéphane et son ami souhaitent simplement « dormir au chaud et prendre une douche
26 novembre 2010 © Jean-Christophe Sounalet - SO
Le journal Sud-Ouest sous la plume de Nancy Ladde s’est penché sur les bénévoles de la maraude qui œuvrent, à Périgueux, en faveur des plus démunis. Pour eux, la souffrance ne se résume pas à une motion, une commission ou des assises si généreuses soient-elles. Il y a urgence. La pauvreté se subit, le plus souvent en silence. On relèvera que ces détresses se cachent en périphérie de notre ville, dans des lieux à la fois discrets et dangereux pour celles et ceux qui s’y réfugient. Les exclus ont aussi leur insécurité. Damnation !

Philippe Cornet, l’inlassable opposant à Michel Moyrand, en réponse à l’annonce des Assises de la tranquillité se fend, dans le prochain journal municipal, d’un billet titré : Périgueux by night !. Il s’insurge contre la délinquance, l’insécurité et déplore la méthode de son cacique en reprenant une citation de Georges Clémenceau : « quand je veux enterrer un projet, je crée une commission ». Même si c’est facile l’expérience et la raison l'emportent : il a raison.

L’élu de Périgueux dépeint notre cité ainsi : « Pendant ce temps, les réseaux se structurent, les voitures sont incendiées, les vols et cambriolages s’amplifient, les nuisances nocturnes sont de plus en plus mal supportées par les Périgourdins et certaines rues deviennent invivables, voire infréquentables, dès la nuit tombée ». Serait-on à Chicago sur Isle ? Plus vraisemblable serait un effet de langage à mettre sur le compte du talent d’avocat qui entend marquer les esprits. Un peu fort mais certainement efficace. Ça ne mange pas de pain et, excusez-moi de mon propos, cette vision réductrice séduit plus qu’elle ne solutionne.

On regrette quand même que cette belle énergie ne soit pas dispensée aussi à déplorer ce Périgueux by night vécu par les plus démunis que j’évoquais. Certes on me rétorquera que c’est un autre sujet. Je n’en suis pas totalement convaincu.

Comment être tranquille quand, au coin de notre rue, une détresse subsiste ? Mais qui veut ouvrir le bal des damnés ?

Je vous invite à lire ou relire le poète-témoin des « catastrophes » que fut le Périgordin Léon Bloy ecrivain maudit qui transformait l’écriture en purge sur la feuille blanche. De sa plume, c’étaient le sang et le fiel qui s’écoulaient dans l’encre, la fange du ruisseau fixée sous formes de lettres. Une sorte de flirt avec la damnation.

Tiens, saviez-vous que le terme de flirt a pour origine le retour de Normandie sur la terre anglaise des soldats d’Henri V, qu’il provient du creuset littéraire de François Villon et Rabelais ? Ce fut l’avis de certains dont Léon Bloy qui tenait Villon pour le plus grand poète de son temps. D’autre damnés me direz-vous. Certes. À bientôt.
Auteur : Pascal SERRE

(1): Léon Bloy est né à Fenestreau, près de Périgueux, en novembre 1846. Après des études irrégulières il se convertit à l’écriture. La guerre de 1870 et la commune traversées, fervent catholique, il retourne à la littérature, devient écrivain et journaliste à Paris. Il meurt à Bourg-la-Reine en 1917.

Pascal est membre de :
  • Institut Montaigne (Paris)
  • Fondation Terra Nova (Paris)
  • Fondation de la France Libre (Paris)

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Commentaire de Anonymous Anonyme , le 8 décembre 2010 à 09:11  

Je suis bien d'accord c'est inacceptable. Le bon sens où est-il ? La décence a-t-elle disparu ? On ne peut même plus cracher dans la soupe tranquille.
Bonne continuation quand même. Je suis venu par hasard sur les avis d'un ami. Suis pas déçu.

Commentaire de Anonymous jean-pierre , le 24 décembre 2010 à 10:43  

Bonjour Pascal, Bonjour William,

Il y a quelques temps que je n'étais pas venu poser mes yeux sur ce blog. Même si je n'en partage pas tous les points de vue, je le lis avec plaisir et intérêt.
Je suis, comme beaucoup de gens , bouleversé par la misère et révolté par mon impuissance pour lutter contre.
En France depuis 15 ans, j'ai passé ma vie à l'étranger et notamment au Bénin ; le plus pauvre des pays pauvres. J'y ai croisé la misère et souvent la mort d'enfants et d'adultes. Malgré cette détresse, les gens vivaient dignes et fiers. Ils acceptaient les travaux précaires et difficiles. pas de syndicats ni 50 formes de contrats de travail....la solidarité,la vieillesse, c'était une histoire de famille et un peu de religions ....
Il y a la , peut-être, quelques pistes à creuser pour consolider l'effort collectif ?

Commentaire de Anonymous Philippe , le 27 décembre 2010 à 11:42  

Mon dieu, il y a des pauvres à Périgueux ? mais quel est donc ce phénomène qui ne les fait apparaître que lorsque le froid glace nos chaumières bourgeoises et confortables ? Ainsi donc, la pauvreté, la précarité ne titillent nos esprits que lorsqu'ils est un peu tard pour agir.
Quant à la guérilla urbaine qui sévit dans nos rues à la nuit tombée, quant à ces sauvageons qui osent bruyamment nous troubler lorsque nous regardons la Star Academy, et bien il nous faudrait une bonne guerre tiens.... Jean-Pierre a bien raison, qu'est-ce que c'est que ces pauvres et ces jeunes qui ne sont ni dignes ni fiers ? Ils n'ont qu'à bosser dans les travaux les plus pénibles et les plus difficiles avant de venir quémander quoi que soit, non mais alors....
J'adore ce blog... :-)

Commentaire de Anonymous jean-pierre , le 28 décembre 2010 à 14:16  

La facture totale pour les huit journées nationales de grèves et manifestations organisées contre la réforme des retraites en France est évaluée «entre 1,6 milliard et 3,2 milliards d’euros». Le quotidien évalue les pertes à 33 millions d’euros par jour dans l’industrie chimique, 5 millions par jour pour la compagnie aérienne Air France et souligne le manque à gagner pour les secteurs touristiques, comme l’hôtellerie ou la restauration.
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Ils font petit petit les 30 euros que j'ai donnés aux restos ....

 

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