Pierre Pommarède s’est embarqué pour le Styx dimanche 15 août 2010
Au fil de l'Isle Retrouvez en exclusivité sur Périblog l’humeur de Pascal Serre :
Pierre Pommarède est incontestablement un des derniers grands érudits périgordins. L’homme de prière et de quête insatiables a accepté que son élévation vers le ciel soit le jour de l’Assomption de Marie. Une façon d’assumer sa foi en se laissant enlever au delà du dogme et privilégiant le sens de la fête. Une élégance dont il ne s’est jamais départi.

La dernière apparition publique, l’ultime intervention toute empreinte de sagesse et de sensibilité du Père Pommarède fut à l’occasion de l’hommage d’un autre esthète de la vie : Patrick de Brou de Laurière. le jeudi 17 juin dernier.
Un homme du siècle des lumières qui intègre son destin d’homme de Dieu
C’est dans les Nouvelles Ecclésiastiques que Voltaire, au XVIIIe siècle, a écrit : N’oublions pas que Voltaire respectait la liberté religieuse d’autrui.On pourrait rêver de cette rencontre entre les deux hommes pétris d’exigences. Peut-être sont-ils déjà à converser comme ils s’y préparaient.
Pierre Pommarède était à la fois un contemporain et un homme du « Siècle des Lumières » mais qui intégrait avec détermination son destin d’homme de Dieu. Il incarnait ces hommes de foi toujours ouverts à la recherche, la différence, la tolérance.
Pierre Pommarède était un homme de salon, ceux où l’on lit, débat, discute avec passion, une occasion de satisfaire une soif de savoir et entretenir une vision du monde.
Homme de talents, mondain pour certains, déroutant par son éclectisme, recherché par son examen critique qui pourrait faire penser que la religion se sépare de l'État sans quitter l’individu. Le grand courant des Lumières se réclame, non de l’athéisme mais de la religion. Il ne l’avait pas oublié.
Pierre Pommarède partageait de toute évidence le pluralisme religieux et la tolérance. Ce qui peut expliquer son choix de thèse sur « la Séparation de l’Église et de l’État » devenu, avec le temps et une récente réédition : « La Séparation des Églises et de l’État ».
Peut-on aller jusqu’à penser qu’il adoptait que Dieu ait donné à l’homme de la raison pour faire accéder sa conscience, sans la médiation de l’Église, au message de l’évangile et au salut ?
Notre première rencontre, en 1975, portait sur sa passion pour les vieilles cartes postales autant que sur le long et indéfinissable chemin de l’initiation à la vie. Nos vies entrecoupées des choses les plus insignifiantes ne se séparèrent jamais. Ses passions, ma vocation y furent pour beaucoup.
Un homme digne et insaisissable dans la multiplicité de ses approches et amitiés
L’homme était digne, imposait un respect que la maladie n’avait en aucune façon entaché. Cet épicurien était presque insaisissable dans la multiplicité de ses approches et amitiés les plus diverses. Au point d’être accueilli avec fraternité dans les milieux maçonniques parisiens qui n’entamaient en rien — au contraire — ses convictions spirituelles.Ne se réclamait-il pas, avec constance, du poème de Louis Aragon intitulé « La Rose et le réséda » ? Un anticonformisme qui trouble davantage la lecture de l’homme d’Église, libre avant tout dans sa chair et dans son âme.
Un monument qui fait référence
Guy Penaud, historien et auteur du fameux « Dictionnaire bibliographique du Périgord » met en valeur ses incontestables talents de conteurs et lui a réservé une place privilégiée dans le panthéon des érudits en ces termesLa solitude devant le Styx
Pour Jacques Lagrange, évoquant le passage pour le Styx nous rappelle toute la symbolique qui se rattache à cette étape. Le Styx, d’abord uniquement présent dans la tradition grecque, est ensuite apparu dans l’enfer du christianisme, particulièrement dans la Divine Comédie. Dante attribuait la garde du Styx au nocher Phlégyas. Il faisait de cette rivière le cinquième cercle de l'enfer, où les coléreux avaient pour châtiment de demeurer immergés dans la vase du cours d'eau.
Dans sa barque du même style que celle du Charon antique, il transporte Dante, coiffé d'un bonnet rouge, l'air effrayé, ainsi que Virgile, en toge et coiffé d'une couronne de laurier.
C’est dans une chambre de l’hôpital de Périgueux et la solitude que l’homme d’exception que fut Pierre Pommarède a peut-être vécu cet ultime passage. Une initiation qui me renvoie à un propos sur la mort que par fausse modestie je m’accorde :
En ce 15 aout, fête de la Vierge Marie, Pierre Pommarède nous laisse ce message : « Enfin, la Vierge Immaculée, préservée de toute tache de la faute originelle, au terme de sa vie terrestre, fut élevée à la gloire du ciel en son âme et en son corps et elle fut exaltée par le Seigneur comme Reine de l'univers afin de ressembler plus parfaitement à son fils, seigneur des seigneurs et vainqueur du péché et de la mort. »
A bientôt mon père.
Auteur : Pascal SERRE
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Complément d'information sur ce sujet
- Nécrologie : Patrick de Brou de Laurière
- Diocèse de Périgueux et Sarlat
qui à cette date, n'a toujours pas fait mention du décès sur son site - Livres de Pierre Pommarède sur Amazon.fr
(pour référence seulement... faites vivre no libraires locaux en achetant vos livres chez eux) - Le musée du Louvre, Paris
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Un hommage émouvant et particulièrement étudié sur une vraie personnalité qui clos un chapitre de la vie d'une certaine forme de recherche entre histoire, mémoire et spiritualité.
Une belle recherche sur des textes qui nous invitent à l'humilité. Mes amitiés à Jacques Lagrange.
Pascal Serre a l'art et la manière de décrire la vie et la mort avec une rare association entre l'incroyance et le besoin de spiritualité. Pommarède est effectivement un de ces hommes de plume et de pourpre cardinalice qui se font si rares que je n'en vois plus.
Bel hommage et article ouvert sur la réflexion, même à Périgueux
C'est le plus bel hommage rendu à cet homme d'église secret et su ouvert sur le monde. Certes il aimait les mondanités et les honneurs ou encore quelques histoires perfides l'accompagnèrent et il serait indécent de les évoquer. Ce qui lui attira quelques animosités. L'homme était aussi ombrageux et parfois colérique. Mais le pardon était le plus souvent au bout du chemin...
En voila un qui aura su user des deniers de la République. C'est tout un art et il a su composer avec la classe politique un peu comme le fit un certain Talleyrand-Périgord.
Pascal Serre devrait se spécialiser dans les nécrologies exaltant les bienfaits des morts en négligeant les méfaits des vivants. On en fait un peu beaucoup sur les bienfaits et on passe sous silence beaucoup de chose moins claires. Mais paix à l'âme du chanoine.
Votre article est remarquable sur le Père Pommarède, à un certain moment de ma vie de jeune adolescent un peu déjanté, il m'a rendu un énorme service, et je ne suis pas le seul, on a tous évité la prison et sans connaître les autres, je crois que tout le monde a réussi sa vie dans le bonheur et la foi , un grand merci au Père Pommarède. j'étais présent dans l'église avec toute mon âme et une grande émotion pour lui rendre un dernier hommage.
ps : j'aimerai retrouver ceux qui ont fait des voyages avec le père, en 1964 et 1965 , sur la corse, ce fut que du bonheur
Un homme quel qu'il soit a aussi des zones d'ombre. Fort heureusement les nécrologies (surtout quand elles sont bien rédigées) ne s'arrêtent que sur la lumière qui est aussi en chacun d'entre nous.
Il reste à écrire - si ceci avait un intérêt - un portrait plus complet de Pierre Pommarède aux personnalités multiples... Je suis un ancien du Vème chasseurs (1971-1972)
Suite à l'article remarquable signé Pascal Serre j'ajouterai simplement que notre cher Abbé Pommarède ne pratiquait pas la langue "de buis".
Ainsi va la vie et permettez-moi de dire que notre Commune Libre du Coderc où poètes, romanciers artistes et commerçants se cotoient n'oubliera pas ce cher Abbé.
Jean-jacques Dallemand
marine poésie
Précisons que sous l'appelation "Commune Libre du Coderc" il n'y a ni association, ni club d'aucune sorte, ni bien entendu adhésion, ni cotisation. Il s'agit seulement d'une dénomination littéraire.
http://blog.artistesduvillage.fr
Bien que je n'apprécie pas vraiment la plume de Pascal serre, je dois admettre que l'hommage qu'il rend au padré est très bon, et qu'il mérite au moins cet hommage !
Merci donc Monsieur serre
JLN (zeanluk)
Un homme exceptionnel que j'ai eu le privilège de cotoyer et qui me permit de rencontrer le pape Jean-Paul II en 1988. je garderai une affection particulière pour cet homme cultivé et humaniste... des moments précieux et rares dans cette aumônerie du 5ème chasseurs où il était chez lui. Cette chapelle Saint-georges qui était la sienne et où je retournerai prier pour lui. Je ne vous oublierai jamais, très cher Père... Puisse le Seigneur vous accueillir près de lui... A bientôt Padre...