Le tour de Périgueux en quatre-vingt minutes lundi 11 janvier 2010

Le cancan du Coderc une chronique de Pascal Serre


Nous voici déjà samedi 9 janvier. Le grand sujet c’est la neige. Dès neuf heures, les uns, les autres, on se téléphone : « Alors c’est comment chez toi ce matin ? ». De Boulazac à Chancelade, de Saint-Georges à Vésone même son de cloche : « On ne sort pas. La rue est impraticable. » On a l’impression d’être en Sibérie. Le Périgourdin est parfois un ours mais pas polaire.

On ne peut même pas invoquer le vin chaud au parfum de cannelle et le journal qui fait défaut. Un des nôtres reçoit son journal à domicile et me donne ses grandes nouvelles. Mais nous convenons que ça ne vaut pas notre « tour de Périgueux en quatre-vingt minutes » pas une de nos discussions de comptoirs. Pourtant, petit pincement au cœur, il va manquer quelque chose cette semaine.

Le pire c’est le pain ! Chacun se demande comment il va aller chercher « son pain ». Ce qui amène, au téléphone, René, l’ancien cheminot, à évoquer le départ de Hélène Robert, la boulangère de la rue Saint-Front : « Fort heureusement c’est un « Ch'ti » qui prend la relève. Avec la neige il sera pas dépaysé. » Et mon bon ami de me dire « Il paraît que les vœux entre Cazeau (1) et la préfète (2) comme on dit maintenant étaient plutôt placés sous le signe de la « scène de ménage ». Sacha Guitry se serait régalé et aurait pu être inspiré par quelques citations telles que « Le célibat ? On s’ennuie. Le mariage ? On a des ennuis. » Soyons sérieux, le premier s’est vertement étonné de la rapidité avec laquelle on avait « sauvé les banques » et « le temps pris pour résoudre le chômage. » La seconde, plus arrondie, souple et doucereuse : « Je fais un rêve que dans les mois à venir l'énergie des Périgourdins soit mise à profit, canalisée et concentrée vers une vision commune pour ce territoire. » Mais c’est aussi une main de fer dans un gant de… satin. » Que puis-je rajouter quand les huîtres et le Bergerac de La Jaubertie ne sont pas là ? Nous nous quittons sur ces bonnes paroles en espérant nous retrouver samedi prochain, comme d’habitude.

Je me décide à appeler un autre de nos bons amis lequel, comme tous, est bien au chaud chez lui. Après les salutations d'usage, il entame son sujet favori, la mairie et ce qu’il qualifie de « bouffonneries » : « Tu as vu, encore une fois, nos histoires picrocholines locales me désolent. Entre Michel Moyrand, le maire, et son opposant Philippe Cornet c’est « bonjour tristesse. » Le second n’aurait pas été invité aux vœux du personnel par le premier. Et mon interlocuteur de lancer : « les chômeurs, les SDF et autres s’en battent les flancs jusqu’au moment où ils leur donneront un bon coup de pied dans les fesses comme en 1789. Non mais c’est quoi ça ! On ne les a pas élus pour ça ! » Et de rajouter : « Ils sont pas bêtes à ce point. Je connais l’un et l’autre. Je penche pour un coup des médias qui en profitent pour faire monter la mayonnaise et vendre leur savonnette ! »

Je raccroche mon téléphone et appelle un autre compère, Jean-Paul qui habite « la Commune libre de Saint-Georges. » (3)

J’avais pas décroché que j’entends : « Ah c’est toi. Moi, je ne mets pas le nez dehors. Je suis juste surtout pour aller chercher la « DL » et mon pain. » Et de renchérir : « Quel temps pour les soldes et « Cœur piéton. » Il faut appeler Monseigneur Mouisse (4) pour exorciser cette affaire. Un samedi il pleut, un autre il neige comme jamais et pourtant une ville sans voiture ça devrait être un régal. Sauf à Périgueux… Et je te parle pas du match de dimanche entre le Trélissac Football Club et l’Olympique de Marseille ça c’est bon pour nous. Les Marseillais sous la neige ! C’est comme des phoques au Sahara ! (5) »

Bien sûr, toute la petite équipe s’inquiète de savoir qui est allé place du Coderc, si tel ou tel régatier est venu, si il y a eu des clients. On pense aux uns et aux autres. Une sorte de solidarité de la banquise du « Coderc ». L’un d’entre nous, Christian, notre révérée mémoire du Conseil général, courageux comme Roland à Roncevaux (précisons qu’il habite en centre ville) est allé fureter dans la vieille ville.

C’est lui qui m’appelle : « alors je ne t’ai pas vu ? » J’ai balbutié que « le grand baptême de la neige m’avait amené à « surfer » sur internet.» Et Christian de répondre : « on t’a servi un café avec ton intertruc ? »

Il prétend qu’il y avait peu d’animation, mais que la bonne humeur était au rendez-vous : « La municipalité avait fait le nécessaire et on pouvait circuler sans problème. Faut arrêter de râler pour un oui ou pour un rien. » Et de me poursuivre son rapport presque des renseignements généraux : « Il y avait le démarrage des « soldes » qui a profité aux résidents du centre ville. En plus il faisait meilleur dans les magasins que dehors même si beaucoup avaient tiré leur rideau je peux comprendre mais, quand même, les gars on n’est pas en Terre Adélie.

Michel TestutMichel Testut, écrivain périgordin
Tiens tu relis « les petits matins » de Michel Testut, l’auteur connu que je relisais et qui a écris : « Il faut dire que chez nous, la neige tient du miracle. (…) Elle prend chaque fois des proportions de cataclysme imparable, mais comme pour rire. » (6)

« J’ai pris par contre deux cafés tout seul à la « Truffe » car je n’avais pas chaud. C’était plein et je suis resté debout, dans un coin. Je n’ai même pas pu déplier mon « Sud-Ouest ». « Et comme j’ai eu ma place pour le match de dimanche je prépare les pulls, manteaux, cache-cols et gants. Je vous raconte tout ça samedi… si tout va bien. »

Et fichtre, déjà midi ! Presque quatre-vingt minutes au téléphone. Si je ne suis pas Jules Verne, Périgueux c’est bien le « tour du monde mais en quatre-vingt… minutes. » Mais, comme dit ma copine Anne Roumanoff : « on ne nous dit pas tout ». Surtout quand on va pas place du… Coderc.

Décidément, la semaine va être longue avant nos retrouvailles…

(1) Bernard Cazeau, Président du Conseil général et Sénateur
(2) Béatrice Abovilliers, Préfète de la Dordogne
(3) Chaque année, depuis la fin du XIXème siècle, à l’occasion des traditionnelles fêtes, en mai, c’est l’élection d’un maire de la « Commune Libre de Saint-Georges »
(4) Monseigneur Michel Mouisse, évêque de Périgueux et Sarlat
(5) Trélissac 0 face au mastodonte de l’Olympique de Marseille 2
(6) Petits matins en Périgord et ailleurs, Michel Testut, La Lauze.


PASCAL SERRE
Membre :
  • Institut Montaigne (Paris)
  • Fondation Terra Nova (Paris)
  • Fondation de la France Libre (Paris)

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Commentaire de Anonymous Anonyme , le 11 janvier 2010 à 17:11  

Bonjour,
J'apprécie vos commentaires tout à fait réalistes et croustillants.

Je voudrais attirer l'attention sur des sdf qui dorment dehors, car les structures locales les refoullent.

Je ne suis pas fière de ma ville.

Je tiens a souligner l'absence de sallage durant les périodes neigeuses, bravo la commune !!!

A quoi servent nos impots ????
cordialement
marie

Commentaire de Anonymous Chantal , le 11 janvier 2010 à 17:27  

Bonsoir,

merci pour ce très beau commentaire.
C'est sur que de la neige en Périgord qui tient, tient de l'inédit.
Mais n'oublions pas que nous sommes en hiver et le Périgord sous la neige est magnifique.

Commentaire de Anonymous Anonyme , le 11 janvier 2010 à 20:23  

je viens juste à l'instant de découvrir votre blog! je cherchais des images de St Front sous la neige, pour afficher dans une de mes pages!! Apparemment,il n'y en a pas! Je regrette! Vous êtes très jeune! En ce qui me concerne ,je suis une mamie, passionnée depuis 3ans ,seulement, par la toile! Elle a été souvent mon refuge! J'ai, d'ailleurs nommé une de mes pages: la fouineuse du net zizou!Je vous promets de venir de temps à autres lire vos articles! Amicalement zizou

Commentaire de Anonymous jean-pierre , le 13 janvier 2010 à 08:49  

Bel et interessant article !
Nous venons de Haute-Savoie ; nous avions de la neige pendant plusieurs mois. Le facteur empruntait à pieds le chemin qui grimpait de la départementale pour ariver chez nous et qui n'était pas dénéigé ! Nous allions à l'école tous les jours, le monde ne s'est jamais arrété de tourner !!
J'aime cette nature bougonne qui nous rappelle que c'est à l'humain de s'adapter et qu'elle n'en fait qu'à sa tête ...
J'aime cette nature indépendante et ses pieds de nez aux technocrates ....

 

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