Vincent Perez sur le Journal du Périgord jeudi 24 décembre 2009

Triste moi...Au début de cette année, je me lamentais à l'idée d'avoir bientôt 50 ans. Voici, « La fuite du temps », un article que j'écrivis à ce sujet pour Le Journal du Périgord. Ce 25 décembre, j'ai finalement eu 50 ans.

J'en profite pour vous souhaiter à toutes et à tous un très joyeux Noël.

La fuite du temps

Vincent Perez dans son atelier à PérigueuxPrenant conscience de mon âge l'autre jour — presque 50 ans, charnière fragile de mon existence —, je sillonnais les rues antiques de Périgueux, l'âme désolée, à la recherche du temps perdu. Arrivé à hauteur du 6 bis, rue de la Miséricorde, le couloir piétonnier qui communique avec la rue Limogeanne et la rue Saint-Front, mon attention fut éveillée par un reflet jaunâtre filtrant au travers d'une vitrine grillagée. La main en visière, j'aperçus dans le faisceau étroit d'une lampe articulée, un homme affairé à une tâche éminemment délicate. Au bout de quelques instants, l'artisan leva la tête vers moi, puis sans changer d'expression se remis à son minutieux travail. Surpris, je décollais le nez de la vitre glacée et, avec un sentiment de gêne, poursuivis mon chemin. Pourtant on aurait pu dire qu'il était là le « temps » ; je venais de l'apercevoir dans les mains d'un homme qui s'appliquait à l'insuffler dans un garde-temps minuscule aux rouages grippés. Je désirais revenir, mais plus tard, cela ne pressait pas ; dans une semaine, peut-être deux, une période assez longue en tout cas pour que l'artisan horloger oublia qu'un jour, j'avais épié ses mouvements.

Je revins par un après-midi froid et limpide de janvier. Cette fois-ci sans m'attarder à la vitrine dépourvue d'enseigne et quelque peu salingue, je poussai la porte de verre et fis deux pas qui m'introduisirent dans un large espace meublé d'établis et d'étagères. On apercevait sur toutes les surfaces planes, des boîtiers de montres, de petits et grands cadrans et tout un ensemble d'éléments de laiton que le néophyte en horlogerie que j'étais, n'aurait pu nommer. Les hauts murs de pierre grise étaient couverts de pendules de toutes sortes et de toutes dimensions, mais aucune d'elles ne semblait afficher l'heure exacte. Peut-être attendaient-elles que l'on prenne soin d'elles ou bien avaient-elles déjà recouvré la santé dans les mains de l'artisan, et patientaient que leur propriétaire vinsse les chercher et remonter leur mouvement. Un peu frileux, je fis remarquer à Vincent Perez assis à son établis, qu'il faisait presque aussi frais dedans que dehors. Habillé « en oignon », il était revêtu d'une blouse bleue qui enveloppait le tout, et ne semblait nullement gêné par la température.

La raison de ma visite à M. Perez, propriétaire de L'horlogerie, n'était pas pour la réparation d'une pendule, d'un réveil ou d'une montre ; les montres se font de plus en plus rares aux poignets des gens qui comme moi ont désormais l'habitude de consulter l'heure sur leur téléphone portable. Ma dernière montre était une Tag Heuer achetée à Londres, un énorme chronographe noir rehaussé d'or et étanchéifié pour une profondeur de deux cent mètres (moi qui sais à peine nager). Au bout de quelques années elle s'arrêtait intempestivement. Suite à deux pannes qui allaient me coûter presque autant que la montre même, je l'abandonnais chez un bijoutier de Regent Street où elle est peut-être encore aujourd'hui, recouverte des suies noires échappées des bus à impériale.

Je ne suis pas seulement venu dans l'atelier d'horlogerie de Vincent Perez, à la recherche du temps perdu comme je l'ai dit quelques secondes auparavant dans un élan littéraire proustien, mais aussi pour la fascination qui ne m'a jamais quitté pour les vieilles choses et les vieux métiers. Ce père de famille né au début des années soixante qui devint horloger, non pas par hasard, mais parce que son père l'avait été avant lui, exerce son art dans un clair-obscur qui a quelque chose d'intemporel et de rare, auquel mon âme nostalgique n'est que trop sensible.

Nous avons peu parlé. Je craignais de trop le distraire et que s'échappe de sa pincette brucelle, les roues légères et fragiles d'une Patek Philip en cours de rhabillage. Silencieux, j'observais. Près de moi une pendule de période empire attendait comme celles suspendues aux murs. Une autre un peu plus loin, toute de bois vêtue émettait un cliquetis hésitant et malingre. Un coup de tournevis ici, un peu de jurassienne sur le pique-huile destiné à cet axe, Vincent aurait tôt fait de lui redonner la santé d'un jeune coucou. Après m'être imprégné encore un peu de l'atmosphère de L'horlogerie, je le remerciais sincèrement du temps qu'il m'avait accordé.

Les horlogers tels Vincent Perez, n'ont pas pour devoir d'endiguer la fuite inexorable du temps, bien au contraire. Alors l'homme de 49 ans en refermant la porte derrière lui, partit avec ce vers de Lamartine à l'esprit comme un dernier espoir : Ô temps, suspends ton vol !

Auteur : William Lesourd


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Vincent Perez dans son atelier à Périgueux
Vincent Perez dans son atelier à deux pas de la rue Saint Front

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Commentaire de Anonymous jean-pierre , le 24 décembre 2009 à 09:31  

50 est un beau chiffre !

Si tu regardes bien, des panneaux pensent à toi tout au long de la route !

Profite !! il n'y a pas encore de contravention pour exces de vieillesse.....

Commentaire de Blogger verogovinique , le 26 décembre 2009 à 17:43  

C'est à cet âge hélas que force nous est de constater qu'un plus grand nombre d'années sont derrière nous que devant!et comme dirait Berlioz le temps est un grand maître, le malheur est qu'il tue ses élèves.
Cependant restons sereins, c'est un tournant essentiel à la sagesse et aujourd'hui plus qu'hier profite bien de ces belles années qu'il te reste
Véro

Commentaire de Anonymous boguy , le 26 décembre 2009 à 23:54  

A partir de 50 les anniversaires reviennent de plus en plus vite...et plus on va vite plus le temps est court ! Cela dit c'est l'âge dans la tête qui compte.

Commentaire de Anonymous Anonyme , le 27 décembre 2009 à 18:05  

la cinquantaine me guette aussi.. Mieux ! elle m'attend au tournant de l'an prochain.
Il me plait à parler de "quinquagénèse" comme une nouvelle vie qui, si elle s'affiche souvent grisonnante à l'extérieur doit se parer de couleurs vives à l'intérieur.

Philippe.

Commentaire de Anonymous Verogovinique , le 27 décembre 2009 à 21:03  

Bravo pour cette jolie façon d'envisager cette cinquantaine oh combien traitresse,quant aux couleurs je vais devoir en mettre afin d'effacer toutes les rides de mon front....
Véro

Commentaire de Anonymous Anonyme , le 7 février 2010 à 18:28  

Pour moi c'est dans deux ans, et je me souviens bien de la date de l'heure, de l'adresse de ma naissance à Périgueux, 70 rue de Paris le 14 août mil neuf cent soixante et un à 6 heures quarante cinq du matin à Périgueux et bon sang que Périgueux me manque!
C'est plus l'"exil" que l'âge qui me chagrine.
Aujourd'hui je suis palois, avec les Pyrénées et l'Ossau en face, une petite ville , mais six fois plus étendue que Périgueux, mais à quanrante huit ou cinquante ans je sais où est le manque, mon quartier d'enfance de Vésonne.
En revanche, pour ce qui est de l'âge , ça n'affecte pas tant mon moral que ça , au contraire , c'est un gué avec de nouvelles perspectives et un saut à Périgueux après 30 ans d'absence.

Anonyme thibérien mais natif de Périgueux.

Commentaire de Blogger Unknown , le 10 mai 2017 à 19:12  

Rendre visite à cet horloger, Vincent Perez au coeur du viens Périgueux vaut le déplacement car on peut se demander comment un professionnel peut travailler dans un tel capharnaüm.

Au-delà de cet état des lieux assez exotique je ne peux que conseiller d'aller voir ailleurs et surtout d'éviter cet horloger avec lequel j'ai eu , en une fois, deux expériences malheureuses.
Une montre de collection d'une grande valeur qu'il lui fallait juste ré-emboiter après une restauration du boitier, qu'il m'a rendue avec le chrono qui ne fonctionnait plus, le verre qui est tombé quelque temps après être sorti de la boutique et une marque d'impact sur une partie métallique.
Quant à une pendulette ancienne que je voulais lui confier en même temps, il a préférer me la rendre expliquant qu'il ne pouvait pas la réparer. Et c'est peut-être tant mieux au vu de l'expérience avec la montre.
Donc encore une fois ce n'est pas sérieux du tout, ne prenez aucun risque si vous avez une pièce de valeur à faire réparer.

 

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